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Un fusil de Marine Modèle 1840
Amis de l'histoire et des armes anciennes, je viens avec un fusil des plus rares.
Voici un Fusil de Marine Modèle 1840 :
On remarque l'apparence équilibrée de cette arme, mais aussi le contraste de ses couleurs, le blond du bois, le blanc du fer et l'or du laiton. C'est une belle arme.
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Un fusil Modèle 1840 raccourci a été présenté dans ce blog il y a plusieurs années, voir ici.
À titre de rappel, voici une présentation succincte du système 1840 :Ce système consacre une rupture complète dans la conception de notre armement.
Jusqu'alors, la platine à silex régnait en maître absolu depuis le milieu du XVIIe siècle.
La platine à silex était arrivée à une sorte de maturité avec le système 1822, aboutissement et perfectionnement du système 1777 / An IX.
Mais leurs défauts n'avaient pas été éliminés :
- une grande sensibilité à l'humidité, rendant impossible le tir par temps humide.
- un trop grand nombre de ratés, en particulier dûs à l'usure du silex.
- un tir d'ensemble rendu peu performant par le mode de chargement : une cartouche qu'il fallait "saigner" pour amorcer.La solution était connue : l'usage d'une capsule détonante assurant l'allumage de la charge était courant pour les armes de chasse dès les années 1820-25.
Il y eut plusieurs prémices à l'adoption du système 1840 :
En 1831, nos fabriquions quelques dizaines de Fusils de Rempart Modèle 1831. Ce fut une toute première arme militaire à percussion en France. Mais cette arme fort lourde - le canon était rayé - ne servait que dans nos fortifications afin de prendre à partie les sapeurs et artilleurs ennemis.
En 1837 et 1838, nous adoptions en petit nombre le Fusil de Rempart Modèle 1837 et la Carabine de Tirailleurs Modèle 1838. Ces armes rayées étaient destinées à l'équipement de certaines de nos troupes en Algérie.
Il fallait pouvoir appliquer des tirs à longue distance, ce que ne pouvait pas faire le fusil en dotation : le Fusil d'Infanterie Modèle 1822 rappelons-le, était toujours à silex.En 1840, le temps était venu de tourner définitivement la page du silex.
Les armes du système 1840 se distinguent de leurs devancières essentiellement par leur platine. Celle-ci est fort simple et ne comporte plus qu'un seul ressort assurant la mise en tension du chien et de la gâchette.
Le canon, dont la charge est désormais allumée par l'explosion d'une capsule, est pourvu des éléments suivants : une masselotte prise de forge avec la culasse est taraudée pour y visser une cheminée sur laquelle on va poser la capsule. La cheminée communique la flamme de la capsule par un canal débouchant de la masselotte dans la chambre à poudre.
Pour le reste, le fusil 1840 est semblable aux armes précédentes : canon lisse, monture en noyer d'une seule pièce, fixation du canon par embouchoir, grenadière et capucine, plaque de couche plate, baïonnette à douille assurée par un tenon.
Le canon, cependant, va bénéficier de deux nouveautés :
- un cran de mire fixe est brasé sur la queue de culasse, donnant la hausse pour 150 mètres.
- un guidon est brasé sur le dessus du canon, entre les bandes de l'embouchoir.Ces deux éléments de visée vont, pour la première fois, permettre au fusilier de réaliser un véritable pointage. Progressivement la notion de "tir ajusté" va apparaître, puis on parlera de précision ... mais il faudra près de 30 années !
Le système 1840 va très vite être remplacé par le système 1842 beaucoup plus simple et robuste. Seules quelques dizaines de milliers d'armes seront fabriquées pendant quatre ans. Elles ne seront mises en service que pour la Garde Nationale, puis stockées et revendues ou exportées.
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Revenons au vif du sujet avec cette vue du côté gauche de l'arme :
Selon le Boudriot, ne seront produits que trois modèles de fusils 1840 :- le Fusil d'Infanterie,
- le Fusil de Voltigeur,
- le Fusil de Marine. Ce dernier fait uniquement par la Manufacture Royale de Tulle.Voici les principales dimensions du Fusil de Marine Modèle 1840 :
Le calibre du canon est de 18 millimètres.
L'arme pèse 4,24 kg avec la baïonnette.Ces dimensions sont celles des fusils de Voltigeurs.
Le fusil de Marine 1840 reçoit des garnitures en laiton et porte la baïonnette à douille Modèle 1822 :
La platine
C'est la pièce vraiment innovante du fusil 1840.
Comme sur toutes nos platines depuis une centaine d'années, elle est marquée du nom de la Manufacture d'origine du fusil :
Cette platine restera quasiment inchangée jusqu'aux systèmes 1857-59, nos toutes dernières armes à percussion.
Elle est retenue à l'arrière par une vis à ergots faisant pivot, à l'avant par une vis traversant la monture et vissant sur une rosette formant écrou. Le démontage est très simple : on retire la vis avant et on extrait la platine.
Voici cette rosette formant écrou à la vis de platine.
L'aile arrière de la rosette retient une forte goupille assurant le maintien du passant de bretelle et du pontet.
On notera sur ces deux photos la présence de joues dans le bois de la monture. Par souci de simplification, elles disparaîtront à partir du système 1842.L'intérieur de la platine révèle la simplicité de sa conception :
Le mécanisme est animé par un unique ressort à lame, agissant en haut sur la noix par l'intermédiaire d'une chaînette, et en bas sur la gâchette.
La bride de noix est retenue par deux vis, elle assure le pivotement de la noix et de la gâchette.
Remarquons que les pièces de cette platine on été faites par le même ouvrier platineur portant le matricule 22. Noter aussi l'encoche à l'arrière de la platine qui correspond à la vis à ergots. Cette vis ne peut être retirée que par l'armurier de la compagnie, seul détenteur d'un tournevis à ergots.Le logement de la platine. Remarquer l'excellent état des encastrements.
On notera la marque en V faite dans le bois. Elle correspond à une marque identique frappée au burin dans l'épaisseur de la plaque.Ces marques étaient faites en manufacture au cours du montage de l'arme.
Une platine était attribuée à une arme particulière et pour bien les appairer, une marque était pratiquée de manière indélébile.La correspondance de ces marques atteste que l'arme est bien homogène :
Le canon
Le canon est l'autre pièce innovante du fusil 1840.
Il est constitué du canon proprement dit et d'un bouchon-culasse vissé.
C'est la culasse qui retient notre intérêt car elle comporte une masselotte prise de forge et taraudée pour pouvoir y visser une cheminée de guerre.
Une chambre à poudre est également ménagée dans la pièce.
L'arrière de la culasse est taillé en biais et non plus droit comme on faisait d'habitude.
Enfin, elle porte un cran de mire posé à queue d'aronde sur la queue de culasse. Ce cran de mire donne la hausse pour la distance de 150 mètres.Voici un dessin de la culasse vue en coupe (Cf. Boudriot, 1833-1861 Chargement Bouche Percussion) :
Une vue de la culasse de mon fusil, montrant la hausse, la cheminée vissée sur la masselotte, l'arrière en biseau et la jointure entre la culasse et le canon :
Comme on le voit, cette culasse va demander plusieurs usinages et ajustages, des fraisages, des taraudages, etc ...
La complexité, la durée de fabrication et le prix de revient du fusil vont être augmentés.
Ce seront là les principales raisons de l'abandon du système 1840 et son remplacement par le système 1842.Vu de haut : le cran de mire, la masselotte et sa cheminée, et la jointure avec le canon :
Remarquons que la zone autour de la cheminée a été fortement corrodée.
C'est la trace des nombreux coups tirés durant la vie active de l'arme, sans doute en service au sein d'une Garde Nationale.
Les amorces étaient particulièrement corrosives et ce n'est qu'assez récemment qu'on a corrigé ce défaut.Les marquages
Le fusil a conservé plusieurs marquages.
Sur le pan gauche du canon et de la culasse, nous trouvons :
- les poinçons du directeur et du sous directeur de la Manufacture de Tulle, C et AC.
- le marquage C de 18 pour Canon de 18 (millimètres). C'est la première utilisation d'une dimension en mesure métrique.
- la culasse est marquée d'un poinçon de réception ovale 2.Sur le pan droit, juste devant la cheminée se trouvent ces marquages :
- 1844, le millésime de fabrication , fortement corrodé et quasi illisible.
- Le marquage MR pour Manufacture Royale :Enfin, sur la queue de culasse, devrait se trouver frappé le modèle du fusil.
Ce marquage a disparu probablement par suite d'un ponçage trop appuyé...La crosse reçoit une estampille circulaire indiquant l'année de fabrication, l'initiale du nom de la manufacture, les initiales des noms du directeur et du 1er contrôleur.
Au centre de cette estampille, une cheville en buis enfoncée dans la crosse est marquée des initiales des manufactures de l'état, ici MR pour Manufacture Royale.
Voici les différentes initiales des chevilles de crosse entre le Premier empire et la Troisième République :
- Durant le Premier Empire : EF pour Empire Français.
- De la Restauration jusqu'en 1848 : MR pour Manufacture Royale.
- Durant la Seconde République (1848-1852) : MN pour Manufacture Nationale.
- Durant le Second Empire (1852-1870) : MI pour Manufacture Impériale.
- Sous la Troisième république : MA pour Manufacture d'Armes;Ici, la cheville a été grattée pour faire disparaître la mention MR, probablement en 1848 et pour des raisons d'opinion politique ...
L'estampille circulaire a souffert du temps et des plus ou moins bon traitements.
Tous ces poinçons et marquages sont à leurs emplacements réglementaires.
Les garnitures
Il s'agit des pièces assurant essentiellement la cohésion et le service de l'arme :
- La plaque de couche située sous la crosse.
- L'ensemble sous garde-pontet-battant de bretelle situé sous la poignée et le tonnerre.
- L'ensemble capucine-grenadière-embouchoir retenant le canon à la monture.
- La baguette de chargement placée sous le canon, dans une rainure dédiée.La plaque de couche
Elle protège la crosse des chocs avec le sol. La plaque de couche est fixée par deux grosses vis à bois à têtes arrondies. Elle permet aussi une bonne position à l'épaule, facilitant la mise en joue lors des tirs. C'est une pièce épaisse car elle est soumise à rudes épreuves :
L'ensemble sous garde-pontet-battant de bretelle.
La prise en mains du fusil est favorisée par la sous-garde. Cette pièce porte la queue de détente et le pontet qui la protège, mais aussi le battant de bretelle inférieur.
Depuis les armes du système 1777, la sous-garde porte des coches permettant d'assurer la position des doigts lors des tirs. En effet, la puissance du recul exigeait une prise en mains la plus ferme possible.
La sous-garde est retenue par une vis à bois et par la vis de culasse. De plus, le pontet, tenu par un crochet arrière, est lui-même retenu devant par le montant du battant de bretelle qui est assuré par une forte goupille traversant la monture de gauche à droite.
L'ensemble sous-garde - pontet - battant de bretelle est donc fermement tenu par deux vis et une goupille.
La capucine
Pourvu d'un retour inférieur, la capucine est bloquée contre un rebord de la monture par un ressort à pivot placé dans une rainure du bois. La capucine est le premier des trois bracelets retenant le canon, mais elle permet aussi de retenir la baguette avant qu'elle ne pénètre dans son canal percé dans la monture.
La grenadière
Le deuxième bracelet est la grenadière, qui retient également le canon et la baguette. Elle s'appuie sur un rebord de la monture et, comme la capucine, est bloquée à sa place par un ressort à pivot monté sur une rainure du bois. Cette pièce assure aussi le point de pivotement du passant de bretelle supérieur.
L'embouchoir
C'est le troisième et dernier bracelet. Il est placé à l'extrémité de la monture pour assurer trois fonctions:
- Le maintien du canon et de la baguette, tout comme les autres garnitures.
- La protection de l'extrémité de la monture, toujours fragile.
- Faciliter la mise en place de la baguette par une ouverture élargie.Cette pièce est assez allongée pour former deux bandes supérieures autour du canon. Elle forme aussi une protection enveloppante à l'extrémité de la monture et enfin se prolonge en arrière pour assurer la baguette.
L'embouchoir est retenu par un ressort à pivot muni d'un ergot et placé dans une rainure de la monture.
La baguette
Dernière garniture du fusil, la baguette est l'élément indispensable pour charger le canon. Sa perte rend l'arme inutilisable.
La baguette est une pièce en fer forgé de la même longueur que le canon. Sa tête "en forme de poire" est destinée à enfoncer la balle au contact de la poudre au fond du canon. Son autre côté est fileté pour recevoir le tire-balle - tire bourre, outil combiné permettant de décharger une arme ... que le tireur a chargé sans poudre. Ou de retirer un chiffon oublié au fond du canon. Cela se produit encore couramment de nos jours dans le circuit du tir aux armes anciennes.
Enfin, la baguette est indispensable pour nettoyer le canon après un tir. À cet effet, on visse un lavoir sur son bout fileté afin d'y installer un chiffon que l'on passera dans le canon rempli d'eau afin d'en retirer toutes les crasses.
Elle est transportée dans une rainure sous le canon. La baguette est maintenue en place par un ressort interne placé dans la monture, entre la platine et la capucine.
La baïonnette
C'est l'attribut indispensable de tout fusil réglementaire de 1717 jusqu'à nos jours !
La baïonnette du fusil 1840 reste celle du précédent système de 1822 : une baïonnette à douille, légèrement plus longue que celle de 1777. Elle mesure 52 cm de long, sa lame de 42 cm est de section triangulaire, plate du côté canon.
La douille permet de fixer solidement la baïonnette au canon.
Elle est creusée d'une fente en Z, renforcée à la base par un pontet, et à son milieu se trouve une virole rotative permettant de verrouiller le tenon de l'arme sur la douille.
La lame, légèrement divergente, est déportée de 3,5 cm à droite de la douille, de sorte que l'on puisse tirer et charger le canon sans se blesser.
Nos baïonnettes sont fabriquées par la Manufacture de Klingenthal jusqu'en 1831, puis par la Manufacture de Châtellerault.
Voici la baïonnette Mle 1822 en place au bout du fusil :
Sur cette photo, nous pouvons voir que le tenon est bloqué au bout de la fente par la virole : la baïonnette est immobilisée.
Bref comparatif 1840 vs 1842
Le système 1840 est mort-né dès 1844-45 sera remplacé presqu'immédiatement par le système 1842, à la fois plus simple, plus robuste et moins coûteux à fabriquer.
Cette image nous montre deux fusils quasiment identiques.
En haut, le fusil de Marine 1840, et dessous le Fusil de Voltigeurs Modèle 1842 T.
Apparemment, ils ont la même longueur, la même platine, la même baïonnette et la même monture :Avec cette photo, nous allons pouvoir détailler les points de différence :
- La monture à joues autour de la platine 1840 va disparaître sur le 1842.
- La culasse du 1840 portant la masselotte et la cheminée va disparaître, remplacée par un simple bouchon-culasse.
- Le canon 1842 porte une masselotte prise de forge et taraudée pour recevoir la cheminée.Par contre, la platine et les garnitures (plaque de couche, pontet, sous-garde, passants de bretelle et bracelets) seront conservés tels quels - hormis quelques modifications internes aux platines - jusqu'aux dernières armes à percussion du système 1857 - 59.
L'usage du laiton est systématique pour les armes destinées à la Marine et aux troupes montées afin de tenir compte de leur environnement (air salin et sueur des chevaux). Cela concerne les armes pour la Marine, la Gendarmerie, la Cavalerie et l'Artillerie).
Le système 1840, système mort-né
Le système 1840 qui se voulait innovant va se révéler cher et complexe à fabriquer, notamment pour les différents usinages de sa culasse.
Il va cependant adopter une excellente platine vraiment moderne, simple et robuste. Cette platine demeurera quasi inchangée pendant plus de 25 ans.
Au plan pratique et tactique, les fusils Modèle 1840 permettront enfin de faire feu en tout temps, les ratés de l'ancien système à silex ont définitivement disparu.
Car l'adoption de la mise de feu par percussion allait entraîner plusieurs améliorations tactiques.
Premièrement, le chargement de l'arme étant simplifié, il devenait aussi plus rapide : augmentation du volume de feu de la troupe.
Deuxièmement, la charge de poudre de la cartouche est intégralement versée dans le canon.
La cartouche n'est plus "saignée" comme du temps du silex. Les coups de tous les fusils tous ont la même puissance, donc leurs balles ont la même trajectoire. Donc le tir est globalement mieux ajusté et plus performant.D'autant plus que, troisièmement, les capsules empêchent toute déperdition de gaz, car l'ancienne lumière est supprimée.
Pour autant, du point de vue de sa balistique interne et externe, le système de 1840 n'est pas fondamentalement différent des armes de Fontenoy.
Le fusil Mle 1840 a toujours un canon lisse et tire une balle toujours ronde et en plomb.
Cela signifie que, à cause des résidus de poudre noire, il faut ménager un "vent" à la balle.
En effet, si on peut charger un fusil à chargement par la bouche avec une balle ajustée au diamètre du canon pour tirer juste 2 ou 3 coups, il devient impossible de le faire lorsque l'on tire davantage.
Car la poudre noire produit une grande quantité de résidus qui, en s'accumulant le long du canon, vont empêcher d'y charger la balle suivante.Il faut une balle d'un calibre légèrement plus faible de sorte que, malgré l'encrassement du canon, le tireur soit toujours en mesure de charger le coup suivant.
Par conséquent, au départ du coup, la balle ronde va être propulsée dans le canon dans une suite de rebonds d'un bord sur l'autre.
Et, à la sortie du canon, notre balle va pendre la direction donnée par le dernier rebond. C'est à dire jamais strictement dans l'axe.La vitesse initiale de la balle est considérable, plus de 420 mètres par seconde. Le fusil permet d'effectuer des tirs en salve jusqu'à 200 mètres, des tirs relativement ajustés jusqu'à 50 ou 60 mètres.
Les fusils 1840 bénéficieront cependant d'une poudre noire de meilleure qualité, aux grains tamisés et plus homogènes. Cette poudre encrassera moins que les anciennes poudres de l'Empire.
Il en résultera que l'on pourra enfin tirer avec un vent plus réduit sans détériorer la cadence de tir.La cartouche du fusil Mle 1840 contient 9 grammes de poudre à mousquet et une balle ronde de 17,2 mm de diamètre. Dans chaque paquet de 9 cartouches se trouve une barrette de 10 amorces à ailettes.
La balle était chargé dans le canon du fusil enveloppée dans le papier de la cartouche, ce qui permettait de diminuer le vent.
Pourquoi un "fusil de Marine" ?
La Marine a toujours eu ses exigences particulières en matière de matériel et d’armement.
Ce n’est que très récemment que la Marine a adopté l’armement de l’Armée, et encore, avec modifications !
En effet, le service en mer expose le navire et tout ce qu'il contient, l’équipage et bien entendu l’armement, à un environnement particulier. L’humidité, les embruns, l’eau de mer, la salinité, les questions d’encombrement, sont des contraintes qui n’existent pas sur la terre ferme.
Les armes à feu et les armes blanches répondent donc à un « cahier des charges » spécial.
Dans la marine, on n’a pas de chevaux. Donc pas besoin de grands sabres.
Dans la Marine, on est toujours encombrés, la place est rare. Par suite, les armes sont plus compactes : un Sabre de Bord Mle An IX est à peine plus long qu’un Briquet Mle 1767.
Dans la Marine, on va adopter un armement spécifique au combat en milieu confiné. Pour les armes blanches : haches raccourcies, poignards, sabres courts.
Pour les armes à feu : pistolets, mousquetons adaptés, fusils courts. La Marine sera longtemps la seule à utiliser la grenade.
Le fusil Mle 1840 de Marine est identique au fusil de Voltigeur. Seule différence : on l'a équipé de garnitures en laiton (pontet, capucine, grenadière, embouchoir). Le laiton, ça ne rouille pas.
Ce fusil est le plus court possible compatible avec une portée convenable.
Un mousqueton est trop court, manque de puissance et perd très rapidement en justesse. C’est la raison pour laquelle les marins utiliseront le tromblon et surtout le pistolet à sa place.
Les troupes de la Marine aux XVIIIe et XIXe sièclesDans chaque vaisseau, il y avait un détachement de soldats équipés comme dans l’infanterie.
Leurs missions étaient variées :
En mer, ils étaient chargés de la discipline générale à bord du navire.
En cas de combat naval, ils assuraient le tir de mousquèterie sur les vaisseaux ennemis depuis les hunes et choisissaient leurs cibles parmi les cadres des navires ennemis (anglais la plupart du temps).
C'est ainsi que l’Amiral Nelson a été tué à la bataille de Trafalgar par un fusilier posté dans une hune du vaisseau Le Redoutable.Naturellement, ces soldats formaient l’essentiel des groupes d’abordage.
Enfin, les fusiliers étaient aussi chargés de réaliser les débarquements en zone foraine, lorsque le navire devait faire halte pour se ravitailler ou pour rechercher du renseignement.
Il fallait alors protéger le mouillage contre d’éventuelles attaques (indigènes, trafiquants, ennemis …)
Pour conclure
Mon fusil de marine Modèle 1840 a gardé les traces d'un usage soutenu pendant plusieurs années. Police des Ports, ou Garde Nationale ? ... on ne saura jamais.
Puis, stocké au sein d'un dépôt ... il a fini par être oublié.Avec ses cicatrices et les chocs de sa monture, cette arme est restée dans son jus, complète et conservant intactes toutes les caractéristiques de son système et la plupart de ses marquages.
C'est aussi un fusil devenu rare. Très rare même. Donc un témoin précieux qui a sa place dans toute collection d'armes réglementaires françaises du XIXe siècle.
C'est le mien. Et en plus, il est beau.
À bientôt !
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