• Ce 10 Janvier 1871, nous sommes à Yvré-l'Évêque, à l'extrémité du plateau d'Auvours. Il est huit heures du matin, il recommence à neiger.

    L'homme que je vous présente aujourd'hui est Sergent d'Infanterie au 48e de Marche.

    C'est un ancien des armées impériales, comme l'indiquent les brisques de ses manches. Il commande une section de Mobiles qui constituent l'essentiel des troupes du Général Chanzy. Ces hommes, levés à la hâte, instruits trop rapidement à l'utilisation de leurs Chassepots, mal nourris, dormant dehors sous les intempéries, vont affronter les Prussiens pendant deux jours.

    La Bataille du Mans sera l'un des derniers actes de la guerre Franco-Prussienne de 1870 - 1871. Après avoir dû retraiter sans cesse depuis Orléans par des températures glaciales, mais sans se laisser déborder, la Seconde Armée de la Loire retranchée sur les hauteurs à l'Est du Mans, va infliger un sérieux coup d'arrêt aux Prussiens, notamment sur la position du plateau d'Auvours.

    Revenons au Sergent.

    L'homme est fourbu, il a faim. Il est transi.

    Mais il est debout, son Chassepot est prêt et il va se battre.

    Il vient de poster sa section en embuscade à 300 mètres de la gare d'Yvré-l'Evêque.
    Tout est prêt. Il a ordonné à ses hommes de nettoyer les canons et les culasses de leurs fusils et a fait remplacer les joints et les aiguilles. Avant de rejoindre sa position, il vérifie une dernière fois son plan de feu. 

    Dans 1/2 heure, le tir rasant des Chassepots va clouer les Prussiens au sol. Peut-être même qu'ils reculeront ?

    Moins douze à Auvours

    Notre Sergent est relativement bien équipé.

    Il a conservé l'uniforme des troupes régulières d'Infanterie, avec le fameux pantalon rouge dont une jambe part en lambeaux. Sur sa capote, il porte un gilet en peau de lapin, indispensable par ce temps. Son képi est déformé par la neige et la pluie, alors il l'a serré dans un grand mouchoir. Une bonne écharpe en laine protège son cou.

    A son dos, le sac réglementaire avec la couverture, la gamelle,la demi-toile de tente et ses piquets. En sautoir, une musette ou il a rangé un pain, une pomme et quelques noix. La gourde est encore a demi remplie de pinard, le mauvais vin qu'on donnait aux troupes.

    A la main, son fusil Modèle 1866 - le Chassepot - est approvisionné et la culasse est à la position de sureté. Le fusil est prolongé de sa baïonnette, car le corps à corps est très probable.

    Portrait réalisé sous Illustrator d'après une aquarelle de Pierre Benigni.


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  • Pour ce nouveau portrait il ne s'agira pas d'un militaire d'active dans son grand uniforme avec ses épaulettes et sa coiffure réglementaire.

    Voici un Chouan, un gars du bocage.

    Un de ceux qui se sont révoltés contre un pouvoir brutal et lointain qui lui a ôté son Roi et qui veut lui ôter son Dieu. Contre ces diables qui incendient les églises, fusillent les prêtres, assassinent les religieuses et noient les femmes et les enfants.

    Le Gars Pierre en 1794

    Notre homme n'a pas d'uniforme. Il a juste cousu le Sacré Cœur sur son chapeau, ça lui tient lieu de signe de reconnaissance. Et tout le monde comprend.

    Pas d'uniforme, mais bien armé. Il porte le fusil de guerre des "Bleus", un fusil de grenadier avec sa baïonnette. De quoi coucher tout ennemi jusqu'à 80 pas.

    Lors de l'embuscade de samedi dernier, il s'est attribué le baudrier et le sabre du caporal qu'il a tué. Mais surtout, il lui a pris ses chaussures et ses guêtres !

    C'est la Guerre totale, l'extermination ou la victoire. Ce sera l'extermination.

    Paysan endurant, connaissant le pays à fond, le Gars Pierre est de faction au bivouac de sa paroisse, dans un bois du côté de Cholet.

    Le fusil modèle 1777 de grenadier mesure 1,52 mètre et pèse 4,5 kilos. Il tire une balle ronde en plomb de 16,54 mm de diamètre pesant 27 grammes. La charge de poudre - amorce incluse - est d'1/40e de livre, soit 12,24 grammes. La vitesse initiale de la balle dépasse les 400 mètres par seconde et sa précision est suffisante jusqu'à 50 - 60 mètres.

    La lame de sa baïonnette mesure 14 pouces, soit 38 cm. Elle ne tombe jamais en panne, surtout quand il pleut.

    Le sabre est du modèle de 1767, une lame de 64 cm toujours prête au cas où …

    Dessin sous Illustrator d'après une vignette en noir et blanc trouvée sur la page d'un journal local.


    A bientôt


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  • Voici un nouveau personnage.

    Et quel personnage !

    Vous le connaissez déjà, puisqu'il pose fièrement sur le bandeau titre de ce blog.

    Voici le Caporal de la Légion Étrangère dans l'Expédition du Mexique en 1863.

    J'ai dessiné ce portrait d'après une aquarelle de Pierre Benigni.

    La Légion n'a pas participé aux premiers combats de cette campagne et il a fallu que les officiers du Régiment Étranger se mettent à la limite de l'indiscipline pour que la Légion y soit envoyée.

    En 1863, la mission de la Légion est d'assurer la sécurité de la route de Vera Cruz, la base arrière de l'expédition, à Puebla alors assiégée. Toute la logistique Française utilise cette route qui traverse une zone appelée 'Les Terres Chaudes' réputée pour son climat extrême et les maladies tropicales qui y sévissent. Les Mexicains y mènent une guérilla s'appuyant sur des unités régulières et des guerilleros à cheval.

    Cette mission sera le cadre d'un combat célèbre : la bataille de Camerone le 30 avril 1863 au cours duquel 3 officiers, 5 sous-officiers, 6 caporaux et 51 légionnaires vont affronter 1200 fantassins et 800 cavaliers.

    Depuis, le combat de Camerone est célébré par toutes les unités de Légion comme représentatif de l'esprit qui l'anime :
    • caractère sacré de la mission menée jusqu'au bout, s'il le faut au prix de la vie,
    • discipline et fraternité sans failles,
    • ténacité et courage au combat.

    Revenons à notre homme :

    Légionnaire au Mexique - 1863

    C'est un caporal.

    Il porte la tenue réglementaire de l'armée, mais il a remplacé le képi par le sombrero local.
    L'arme est un fusil modèle 1853 T ou 1857 - ils sont quasi identiques - une arme rayée de 17,8 millimètres, à chargement par la bouche, à un coup, tirant la balle modèle 1857 de 36 grammes. Le soldat porte 60 cartouches.

    Le fusil est équipé de sa baïonnette modèle 1847, une solide lame de 47 cm de long montée sur douille.

    Ce fusil permet d'effectuer des tirs précis jusqu'à 200 mètres. Sa cadence de tir est d'environ 3 coups à la minute.

    A bientôt.


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  • Nous sommes au siège de Rome en 1848.

    Comme d'hab, pourrait-on dire ! Manifestement, la France a une nette préférence pour faire la guerre en Italie.
    Ses vins, sa gastronomie, ses filles, ses monuments, sa douceur de vivre ... allez savoir ?
    Depuis plusieurs siècles, l'Italie attire les soldats Français, que voulez-vous que je vous dise !

    Voici le portrait de notre voltigeur, dessiné d'après une aquarelle de Boisselier.

    Un mystérieux personnage ...

    Qui sont les voltigeurs ?

    C'est l'Empereur Napoléon Ier qui a institué par décrets (mars 1804 et septembre 1805) au sein de chaque bataillon d'infanterie (de la Ligne et de la Garde) la mise sur pied d'une compagnie de voltigeurs qui deviendra la 3ème Cie du Bataillon.

    D'un effectif théorique total de 123 hommes, cadres compris, cette compagnie est recrutée au sein du bataillon en sélectionnant les hommes "bien constitués" et endurants, connus pour leur vivacité, leur rapidité de déplacement, leur audace au combat, leur sens tactique. Mais aussi et surtout chez les plus petits. Taille maximum : 4 pieds 11 pouces, c'est à dire 1,59 mètre. Les officiers et sous-officiers sont également choisis selon les mêmes critères.

    En effet, ces soldats devaient pouvoir êtres transportés en croupe par des cavaliers. Il fallait donc des "poids plume". Heureusement pour nos Hussards et autres Chasseurs, cette méthode de déplacement ne sera que très peu pratiquée.

    Les voltigeurs sont équipés d'un armement particulier. Ils reçoivent ainsi le fusil de dragon, plus court que le fusil de munition. Ils reçoivent aussi un sabre court, le Briquet, qui deviendra rapidement l'attribut des fantassins d'élite. Pour illustrer le prestige lié à ce sabre, il faut citer ce décret d'octobre 1807 qui imposait la suppression des Briquets. Il ne fut partiquement pas appliqué, plusieurs Colonels Chefs de Corps ayant fait valoir que leurs soldats étaient tellement attachés à leur sabre qu'ils seraient prêts à les payer de leurs propres deniers. Quand aux officiers et sous-officiers de voltigeurs, ils reçoivent - théoriquement - la carabine rayée.

    Toutes ces caractéristiques, ces armes spécifiques, ces missions particulières, la différence marquée d'avec le reste de "la ligne" vont entraîner l'apparition dans l'infanterie du phénomène d'élite combattante et qui existe encore de nos jours, par exemple les sections de recherche ou les compagnies d'éclairage et d'appui.

    Les voltigeurs sont des fantassins spécialisés. Ils ne combattent pas en ligne de bataillons sur 3 rangs comme tout le monde.
 Ils sont entraînés à se déplacer et à combattre hors formation, en "enfants perdus" comme on disait à cette époque. Dispersés sur le front de leur bataillon, ils marchent parfois à plusieurs centaines de mètres en avant.

    Leur rôle est de préparer l'engagement du bataillon : ils découvrent et reconnaissent le terrain, les cheminements et les obstacles comme les fermes isolées, les fossés, les broussailles, les bosquets, les clôtures, les ruisseaux. En cas de rencontre inopinée, ils ouvrent le feu à leur initiative sur les reconnaissances de l'ennemi, en visant de préférence les officiers et les cadres. A ce titre, ils sont entraînés à tirer avec précision, ce qui n'était pas le cas des fantassins de la ligne.

    Après les guerres de l'Empire, les compagnies de voltigeurs seront conservées au sein des bataillons, représentant - au même titre que les compagnies de grenadiers - l'élite de l'infanterie. Ils recevront une arme dédiée pour remplacer les fusils de dragons : le fusil de voltigeur, c'est à dire le fusil de munition, mais ne mesurant qu'1,42 m pour faciliter le chargement. En effet, les voltigeurs sont toujours recrutés chez les hommes de petite taille.

    Sous la Restauration, à l'abandon du sabre Briquet, les voltigeurs recevront le Sabre de Troupe à Pied Modèle 1831, communément désigné comme le Glaive 1831. Le port de cette arme, à la fois lourde et très courte, sera réservé aux voltigeurs et aux caporaux et sergents. C'était le signe visible que l'on appartenait à l'élite et à ce titre, un grand prestige compensait la faible utilité tactique de cette arme. D'ailleurs, ceux qui n'en n'auront pas lui donneront le sobriquet de coupe-choux ... pure jalousie !

    Revenons à notre homme.

    Notre homme appartient au 22e Régiment de Chasseurs (parements "bleu-jonquille"). Il est posté en sentinelle à proximité d'un bivouac ou il a laissé son sac.

    Sa qualité de voltigeur se reconnaît à ses épaulettes, son glaive 1831 et son fusil modèle 1822 T de voltigeur (évidemment !), tout récemment transformé à percussion.

    A bientôt.


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  • Voici le portrait d'un fusilier de la Garde Nationale de la ville de Strasbourg en 1848.



    Je ne connais pas l'auteur de l'aquarellle d'origine, mais le style ressemble à Benigni.

    Ce personnage, manifestement amateur de bonne bière, de Spätzle et de Linzertorte, porte un équipement intéressant :


    • un fusil modèle 1840, arme abandonnée aussitôt après le lancement de sa fabrication et remplacée par le fusil modèle 1842. La quasi totalité du stock de fusil 1840 a été revendue à diverses gardes nationales. (Voir ici l'article sur le fusil 1840)


    • Une baïonnette modèle 1822, attribut normal de ce fusil.


    • un sabre Briquet, probablement modèle 1816.

    Haut en couleurs, notre guerrier bien nourri est maintenant prêt à aller à la riflette pour rire (l'entraînement), baïonnette au canon, sac au dos et giberne sur la fesse droite.

    A bientôt.

    Le Fusilier de la Garde Nationale de Strasbourg en 1848


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