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Un fusil à tabatière : le fusil d'Infanterie Modèle 1867
Bonjour à tous, amis du blog et de l'histoire !
Voici donc un Fusil d'Infanterie Modèle 1867, issu de la transformation d'un Fusil de Voltigeur Mle 1857 :
Avant d'examiner cette arme, il n'est peut-être pas inutile de restituer succinctement le contexte dans lequel elle est apparue.
Pour cela, faisons un rapide point sur les connaissances en balistique en 1867. C'est parti :
Depuis 1840 et l'adoption - pour l'ensemble de notre armement - de la mise de feu par percussion, les progrès furent constants. Dès lors, on pouvait ENFIN utiliser notre armement par temps humide (pluie, brouillard, neige...).
Dès lors également, on put ENFIN commencer à envisager un meilleur comportement de nos armes : cadence de tir, justesse puis précision, et les expérimentations se succédèrent :- on savait déjà rayer les canons de rayures hélicoïdales permettant que la balle soit guidée et stabilisée par effet gyroscopique ... sous certaines conditions, on obtenait une très nette amélioration de la précision des tirs.
Défaut : lenteur et difficulté du chargement puisqu'il fallait charger la balle (ronde) à coups de maillet, et fort risque de déformation de la balle annulant toute précision.- on essaya la "balle à sabot", une balle ronde attachée à un tampon en bois appelé sabot, système sensé stabiliser la balle dans un canon qui était encore lisse. Légère amélioration du pourcentage de balles arrivant dans une cible aussi grande qu'une porte cochère ...
Défaut : le sabot est détruit par le tir et au sortir du canon, ses éclats sont dangereux pour les voisins du tireur.- on essaya la "chambre rétrécie", système devant permettre - par matage de la balle ronde - de lui faire épouser les parois du canon et éviter les aléas dus au "vent" (différence de diamètre de la balle et de l'intérieur du canon. Ce "vent" était indispensable pour permettre de recharger l'arme malgré les crasses et résidus des tirs précédents)
Ces "chambres rétrécies" furent essayées sur des canons lisses et rayés. On constatait que la précision augmentait quelque peu ...
Défauts : les crasses d'accumulaient au fond de la chambre rétrécie au point de la combler, annulant tout effet. Les balles, matées sur le pourtour de la chambre à grands coups de baguette, étaient complètement déformées et perdaient le peu de précision qu'elles auraient pu avoir. Le nettoyage de la chambre était compliqué et difficile. Enfin, le coût d'usinage d'une culasse à chambre rendait le prix de l'arme trop élevé. La faible amélioration de la précision fit abandonner ce système.- on essaya la "chambre à tige", système analogue à la chambre rétrécie mais inversé, sur nos carabines de Chasseurs rayées et sur nos armes du système de 1853, lisses. Une longue tige était vissée au centre et au fond de la culasse, ménageant un espace pour la charge de poudre, mais dépassant de celle-ci. Le principe était que la balle devait être frappée à la baguette pour que, stoppée par la tige, son pourtour épouse les rayures du canon. Le projectile ogival utilisé était l'énorme balle Tamisier pesant 47,5 g ! Ce système fut utilisé lors de la campagne d'Italie. La "précision" s'améliorait tout de même.
Défauts : là encore, encrassement très rapide de l'espace inter-tige et nettoyage compliqué, coût de fabrication, irrégularité du tir dû aux déformations de l'ogive, balle très (trop) lourde définissant une trajectoire peu tendue ... L'apparition de la balle expansive à jupe du Capitaine Minié fit abandonner aussi ce système :- En effet, entre 1845 et 1851, on eut enfin l'idée d'utiliser une balle ogivale creuse, au diamètre à peine inférieur à celui du canon au plat des rayures. Cette fois, on tenait la solution permettant de tirer convenablement avec un fusil rayé à chargement par la bouche. Le chargement et le tir sont aussi simples que sur une arme lisse et la précision est vraiment meilleure. On ne parle plus de pourcentage de balles arrivant dans un rectangle donné à telle distance, mais de précision individuelle de chaque arme. Le nom de Minié restera attaché à ce type de balle qui fut introduit en 1854.
- En 1841, cependant, la Prusse avait adopté une arme révolutionnaire, rendant obsolètes tous les autres systèmes.
Le fusil Dreyse et sa culasse mobile à aiguille permettait pour la première fois le chargement par la culasse adaptable à une arme militaire, c'est à dire possédant des qualités de simplicité et de robustesse suffisantes. Bien entendu, le fusil était rayé, et d'une précision suffisante jusqu'à 300 mètres. L'énorme avantage tactique offert par cette arme (et toute arme à chargement par la culasse) était de permettre le chargement du fusil en position couchée. Alors que sur toute autre arme à chargement par la bouche, les soldats devaient rester debout et immobiles sous le feu ennemi pour recharger ...Mais le Dreyse devait rester secret longtemps ... et d'autres inventeurs se manifestèrent, surtout dans ces trois pays : les USA, l'Angleterre et la France. Citons en vrac : Henry Peabody, Casimir Lefaucheux, Jacob Snider, Manceau & Vieillard, Sharps, Henry, Chassepot, etc ...
Examinons maintenant ce fusil en détail.
La platine marquée de la Manufacture Impériale de Tulle. Le chien est à l'armé, prêt à agir sur la tête moletée du percuteur. La tête du chien a été légèrement relevée et décalée afin de correspondre à la tête du percuteur.
La tête du percuteur est en forme de bouton moleté. Ça donnait une prise aux doigts du tireur pour tirer le percuteur vers l'arrière en cas de percement de l'amorce :Le chien est ici à la position de demi-armé. Cette position permet de conserver une arme approvisionnée. Il suffira de relever le chien et le fusil sera prêt à faire feu. Lorsque le chien est à l'abattu, il cache entièrement la tête du percuteur.
On remarque que son encastrement a souffert ... Ici, c'est la monture qui accuse les ans bien davantage que les fers et aciers.
La hausse en L.
Le défaut de cette hausse est de masquer la vue autour du point visé lorsque l'on utilise le cran intermédiaire de 400 mètres. Une hausse analogue à celle de la carabine 1859 ou même du fusil Mle 1866 eut été un bien meilleur choix.L'intérieur de la platine.
Cet ensemble est restée à l'état neuf. Noter que la platine porte toujours la dénomination de son modèle : Mle 1857.
Observons que le matricule J28 est poinçonné sur toutes les pièces, y compris les têtes de vis. Ce matricule est celui du compagnon platineur qui a fabriqué la platine :La culasse fermée. Cette culasse est du premier modèle.
On remarque l'échancrure qu'il a fallu pratiquer dans la monture pour recevoir la boîte de culasse. Cette pièce reçoit le canon qui est vissé dedans, et porte une queue de culasse abaissée venant se visser sur l'écusson de détente à la place de l'ancienne.La culasse ouverte.
Très bel état intérieur. On remarque le fond échancré de la culasse mobile et le N° matricule frappé dessous, le ressort de rappel de l'extracteur monté sur l'axe de la culasse :On remarque ici l'orifice du percuteur.
La percussion des fusils 1867 était l'un des seuls défauts de conception, car elle se faisait presque à 45°.
Du coup la percussion des cartouches - parfois de mauvaise fabrication - pouvait donner lieu à des ratés.
Il arrivait qu'il faille percuter à 2 ou 3 reprises avant que la cartouche ne consente à faire feu ... On comprend que certains soldats n'appréciaient pas trop ...
Bonne vue aussi sur le fond de la boite de culasse et sa rainure en relief destinée à faciliter la prise de l'étui vide :Les pièces démontées, culasse présentée vue de dessus et de dessous. De haut en bas :
- le percuteur, son ressort de rappel et sa vis-arrêtoir,
- la culasse et son "tire-cartouche" (on ne parlait pas encore d'extracteur), les deux portent le n° matricule,
- l'axe de rotation de la culasse, son ressort de rappel, sa vis-arrêtoir :La chambre et la naissance des rayures :
L'intérieur du canon. C'est ce qu'on appelle "une glace" :
Voici l'une des cartouches que je fabrique à partir de douilles en plastique calibre 12 :
En conclusion :
- Le fusil est complet, le mécanisme de la culasse à tabatière est fonctionnel et sans jeu, les ressorts sont très fermes.
- La culasse du premier type se démonte aisément, elle est restée en excellente condition.
- La platine est également à l'état neuf, toutes les pièces bien matriculées J28.
- La monture a anciennement reçu une attaque de vers, fort heureusement stabilisée. Elle reste bien solide.
- Le tampon de crosse a disparu, la cheville de buis est restée en place, mais les initiales MI sont effacées.
- L'intérieur du canon est quasiment miroir, quelques traces en fond de rayures et du côté de la bouche.
- La baguette est bien du modèle, c'est à dire une tête de clou modèle 1847 N mais avec un trou traversant pour loger une broche.
- La hausse est du type anguleux. La planchette en L - avec crans pour 200, 400 et 600 mètres - est bien maintenue par son ressort, aucun jeu.
- Les marquages : Manufacture Impériale de Tulle sur la platine, poinçons de réception sur les garnitures, matricule 2302 à l'intérieur de la culasse.
- Lors de la transformation au modèle 1867, le canon a été coupé à 4,5 cm de la tranche du tonnerre, puis taraudé et fileté afin de le visser dans une nouvelle boîte de culasse. Dès lors, les marquages de la queue de culasse et des pans droit et gauche du canon disparaissent.
Bref, dans ma collection, ce fusil est bien là ou il est, car l'arme n'est pas vraiment aisée à dénicher.
Juste avant de terminer :
jetons un petit coup d'œil à ses "collègues" du Second Empire :
Le fusil Modèle 1866 Chassepot :
Le fusil Remington "Egyptien" (Importé par le gouvernement de la Défense Nationale) :
Le fusil Snider BSA (Également importé par le gouvernement de la Défense Nationale) :
La carabine modèle 1859 (Campagne du Mexique) :
Le fusil modèle 1854 de la Garde (Campagne d'Italie) :
Le fusil modèle 1853 T Car (Campagne de Crimée) :
Le fusil modèle 1822 T Bis (Campagne du Mexique) :
Le mousqueton de Gendarmerie modèle 1842 (Campagnes de Crimée, d'Italie et du Mexique):
Comme vous le voyez : le Second Empire, c'est vraiment mon thème favori ...
A bientôt !
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