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    Bonjour à tous et ... bonne et heureuse année 2024 !

    Pour  cette première communication de l'année, on va commencer très fort.

    Nous allons découvrir une arme splendide et plutôt rare dans son incroyable état de fraîcheur.

    Voici la Carabine Modèle 1846 à Tige :

    La Carabine à Tige Modèle 1846

    Mais avant de découvrir l'arme en détail, prenons le temps de décrire le système à tige et ses devanciers :

    Le système à tige de notre carabine s'inscrit dans le cadre de la recherche conduite depuis plusieurs années autour de l'amélioration de la précision et de la portée de nos armes rayées.

    Nos premières armes militaires rayées tiraient une balle ronde, enveloppée dans un "calpin" de tissu gras, que l'on chargeait dans le canon à coups de maillet.

    C'était le cas des "Carabines de Versailles" Modèles 1793 et An XII. Très difficiles à utiliser de par le mode de chargement, elles ont rapidement été abandonnées.

    30 années plus tard, on reprit les essais sur le rayage des armes portatives, études rendues nécessaires par la situation en Algérie ou les tribus autochtones utilisaient des armes de portées supérieures à celle de nos Fusils Mle 1822 lisses.

    C'est ainsi que, à la suite des essais de M. Delvigne, Lieutenant de la Garde Royale, on adopte la Carabine de Tirailleurs Mle 1837 dite "Petite Carabine" et le Fusil de Rempart Mle 1838 dit "Grosse Carabine", armes rayées tirant une balle ronde placée sur un sabot. La culasse de ces armes était rétrécies de sorte que l'on pouvait aplatir la balle en plomb à coups de baguette, ce qui l'élargissait en l'imprimant sur le relief des rayures.
    Voici un schéma tiré de l'ouvrage de Jean Boudriot "les armes réglementaires à percussion 1836 - 1857" :

    La Carabine à Tige Modèle 1846

    On développa plusieurs armes longues rayées selon ce principe, tout en recherchant à simplifier leur fabrication et tâtonnant quand au rayage de leur canon. Ce furent successivement : la Carabine Mle 1840, dite "Carabine Thierry", le Fusil de Rempart Mle 1840, le Fusil de Rempart Allégé Mle 1840, la Carabine Mle 1842, dite "Carabine d'Orléans", et enfin le Fusil de Rempart Mle 1842.

    La distinction entre un fusil de rempart et une carabine tient essentiellement au calibre : 20,5 mm d'un côté et 17,5 mm de l'autre. Les fusils de remparts étaient destinés à effectuer des tirs au posé à longue distance sur buts sensibles tels que canonniers et officiers par exemple.

    Au final, ces armes donnaient une portée et une précision meilleures que celle de nos fusils lisses, mais au prix de graves inconvénients :
    - La chambre rétrécie se révèlera difficile à nettoyer, l'accumulation des résidus rendant impossible le bon forcement de la balle.
    - Le sabot en bois compliquait la fabrication des cartouches, et trop souvent, il se fendait dans l'âme du canon et projetait des éclats dangereux pour les voisins du tireur. 

    Il fut alors décidé d'abandonner le système Delvigne de chambre rétrécie.

    On adopta un système inverse : la culasse à tige. La culasse, de même diamètre que le canon, recevait une forte tige vissée en son milieu. L'espace entre le canon et la tige était destiné à recevoir la charge de poudre.

    La balle ronde à sabot de bois était abandonnée. On adopta la forte et lourde balle cannelée ogivale de M. Tamisier. 

    On chargeait la balle enveloppée par le papier de la cartouche directement sur la poudre, la balle arrêtée par la tige recevait deux forts coups de baguette pour s'élargir et prendre la rayure. Le nez de la baguette était creusé d'une empreinte pour correspondre à l'ogive sans la déformer.

    Ce schéma tiré du même ouvrage nous explique le système :

    La Carabine à Tige Modèle 1846

    Ce sytème apporta une notable amélioration de la précision des tirs jusqu'aux distances de 200 mètres et plus.

    Les carabines à tige donnèrent entièrement satisfaction aux troupes qui en étaient équipées : la Légion Étrangère et les Zouaves en particulier, qui servaient alors essentiellement en Algérie. Les hommes étaient formés à l'utilisation de ces armes radicalement différentes des fusils 1842 alors en service.

    Cependant, et à l'image de ce qui avait été déploré sur les chambres rétrécies, l'espace entre la tige et le canon, destiné à recevoir la charge de poudre, s'encrassait rapidement, la poudre dépassait de la tige et gênait puis empêchait l'expansion de la balle, du coup la précision chutait fortement. Il devenait nécessaire de procéder au difficile nettoyage du canon et de la tige.

    La solution définitive à la problèmatique du tir précis sur une arme rayée chargée par la bouche viendra avec les travaux de M. Minié et de sa balle évidée, mise au point entre 1845 et 1851 et adoptée en 1854.

    * * * * * *

    La Carabine Modèle 1846 conserve les mêmes dimensions que les carabines des modèles précédents, notamment les carabines 1840 et 1842.

    L'arme mesure 1,26 m et son poids est de 4,33 kg.

    La Carabine à Tige Modèle 1846
     

    Voici une petite revue de détail, organe par organe et leurs marquages. Commençons la visite :  

    La platine

    La platine est marquée de la Manufacture Royale de Châtellerault.
    Il s'agit d'une platine inversée identique à celles qui équipent toutes nos armes depuis les systèmes 1840 et 1842 :

    La Carabine à Tige Modèle 1846


    L'intérieur de cette pièce nous montre une platine modèle 1840 avec ses piliers de bride de noix rapprochés. On note que la gâchette, la noix, la bride de noix et ses vis ont été forgées par le même compagnon platineur identifié sous le n° 16 :

    La Carabine à Tige Modèle 1846

     

    La hausse réglable

    La hausse réglable en fonction des distances est, à cette époque, l'apanage exclusif des carabines rayées. Elle est d'un modèle à la fois simple et pratique qui permet d'ajuster une visée sans masquer la vue autour de la cible. C'était le principal défaut des hausses à trous superposés qui équipaient nos carabines précédentes.

    La hausse se compose d'une embase longue de 61 mm, brasée à 88 mm de la tranche arrière du canon et portant une planchette graduée, que l'on pouvait relever, et un ressort plat agissant sur le pied de la planchette. Un curseur mobile, portant un cran de mire, pouvait se mouvoir à frottement dur le long de la planchette. Il suffisait alors de le placer en regard du repère marqué à la distance sur la planchette pour obtenir la hausse correspondante. 
    En position rabattue, la planchette porte un cran de mire pour la hausse de 150 mètres.
    En position relevée, la hausse porte en bas un cran de mire fixe pour la distance de 250 mètres, puis un repère pour la distance de  350 mètres, puis six repères marqués 4 à 9, pour 400 à 900 mètres par paliers de 100, enfin un cran fixe en haut donne la hausse pour 1000 mètres.
    La curseur est retenu par une petite vis en haut de la planchette de sorte qu'il ne soit pas perdu.
    À l'usage, et à l'usure, on s'apercevra que le curseur devenait parfois trop libre sur sa planchette et qu'il tenait mal en place. Il était alors soit resserré, soit remplacé.

    Donnant toute satisfaction, ce type de hausse sera conservé quasiment tel quel sur nos carabines 1846, 1853 et 1859, mais également sur les fusils Mle 1853 T car de la Guerre de Crimée.

    La hausse rabattue présente un cran de mire pour la distance de 150 mètres. De nous jours, on l'appellerait "hausse de combat". Le cran de mire est largement entaillé pour permettre un pointage rapide, une visée plus précise reste possible par le petit cran de mire :

    La Carabine à Tige Modèle 1846
     

    La photo de la hausse rabattue montre distinctement les crans et repères de la planchette de 250 à 1000 mètres ainsi que le curseur mobile :

    La Carabine à Tige Modèle 1846

    Voici la hausse relevée.
    On visualise bien l'angle qu'il fallait donner à l'arme pour appliquer des tirs à grande distance :

    La Carabine à Tige Modèle 1846

     

    Le tonnerre, la masselotte et la queue de culasse

    Le tonnerre porte la masselotte et sa cheminée. Devant la masselotte, l'année de fabrication 1847. Sur le pan latéral droit, les initiales MR pour Manufactures Royales.
    La cheminée est en excellent état. Et pourtant elle est d'origine :

    La Carabine à Tige Modèle 1846


    Vue de dessus, la queue de culasse porte de manière réglementaire le millésime du modèle de l'arme : Mle 1846. Elle porte également une vis qui assure la fixation du canon, traverse la monture et vient se serrer dans la sous-garde :

    La Carabine à Tige Modèle 1846


    Sur le pan incliné gauche, les poinçons D et L du Directeur et du Premier Contrôleur de la Manufacture de Châtellerault :

    La Carabine à Tige Modèle 1846


    Juste en dessous, voici la rosette formant contre-platine et écrou pour la vis de fixation de platine. 

    Sur le pan latéral, le chiffre 17 est poinçonné. Il s'agit d'un numéro matricule attribué à l'arme lors de sa réception en corps de troupe, conformément à l'article 71 de la décision ministérielle du 1er Mars 1854. Nous verrons que ce matricule est répété sur la crosse :

    La Carabine à Tige Modèle 1846

    La monture

    La monture : c'est la partie en bois de l'arme, celle par laquelle on saisit et on tient la carabine. Elle est d'une seule pièce, mais on distingue trois parties : la crosse, la poignée et le fût.

    La crosse permet d'épauler la carabine, elle maintient l'arme contre l'épaule à la distance nécéssaire pour prendre une bonne visée.

    Réglementairement, le matricule - poinçonné sur le pan gauche du canon - est répété sur le côté gauche de la crosse et parallèlement à la plaque de couche, comme ici : 

    La Carabine à Tige Modèle 1846

    Mais ... curieusement, nous retrouvons ce matricule également sur le busc de la crosse à un emplacement non réglementaire. À côté un n° 30 dont on ignore la signification... 
    Observons que ce numéro 17 a été frappé avec les mêmes outils aux deux emplacements :

    La Carabine à Tige Modèle 1846

    À sa droite, la crosse porte, de manière réglementaire, un macaron et une cheville.
    Le macaron indique le mois et l'année de fabrication : ici Décembre 1847 (Le mois est écrit en abrégé DEC-BRE) ainsi que les initiales du Directeur et du Premier Contrôleur de la Manufacture, ici L et D encadrés par des étoiles.
    Au centre du macaron, les initiales en capitales MR - pour Manufactures Royales - frappées sur une cheville de buis. À noter l'excellent état de ces marquages :

    La Carabine à Tige Modèle 1846


    Sous la crosse, tout près de la plaque de couche, se trouve le battant de bretelle spécifique des carabines :

    La Carabine à Tige Modèle 1846

    Sous la poignée, derrière la sous-garde, un marquage nous révèle l'identité du Maître-Crossier, un certain G. Bussereau :

    La Carabine à Tige Modèle 1846


    Les garnitures

    Les garnitures : c'est ainsi que l'on désigne l'ensemble des pièces et éléments qui assurent la cohésion et le service de l'arme.

    La pièce de sous-garde, avec ses très classiques coches pour la prise des doigts, et le pontet. Les coches pour les doigts permettaient d'assurer fermement la prise de la poignée par la main gauche, c'était nécessaire compte tenu du fort recul au tir.
    La sous-garde assure aussi le maintien du canon car elle forme écrou à la vis de culasse. Elle maintient la détente et le pontet. Elle est retenue à la monture par la vis de culasse et une vis à bois à l'arrière des coches. Le pontet est retenu par un crochet à l'arrière et une vis à métaux à l'avant.
    À nouveau, l'identifiant 11 est poinçonné sur les têtes de vis  :

    La Carabine à Tige Modèle 1846
     

    La grenadière est la première "bande" reliant le canon au fût. Cette pièce assure le guidage de la baguette dans son canal et porte le deuxième battant de bretelle.
    La grenadière est maintenue contre un épaulement du fût par un ressort à épaulement planté dans le fût. Ce ressort peut s'effacer dans une courte rainure afin de libérer la grenadière lorsque l'on veut démonter le canon :

    La Carabine à Tige Modèle 1846 

     
    L'embouchoir est la deuxième et dernière "bande" qui retient le canon sur la monture. Il assure aussi la protection du bout du fût, un endroit assez fragile car toujours très aminci.
    Enfin, l'embouchoir permet l'entrée de la rainure de la baguette par un orifice en forme de bouche.
    Il est maintenu en place par un ressort à ergot planté dans la monture et que l'on peut effacer dans une rainure :

    La Carabine à Tige Modèle 1846

    Enfin, nous venons de l'évoquer, la crosse porte une forte plaque de couche en fer formant retour sur le busc. 
    Sur la plupart des armes de guerre, anciennes ou pas, cette plaque de couche est le plus souvent fortement marquée par les chocs de la crosse au sol, mais aussi par la corrosion.
    À noter que les têtes de vis (plaque et battant) sont poinçonnées 11, identifiant le compagnon qui était chargé de les forger.

    À nouveau, on notera le très bel état de la plaque de couche de cette carabine :

    La Carabine à Tige Modèle 1846


    La baguette est la dernière garniture de notre carabine. Elle est absolument indispensable au tir, car la baguette est le seul moyen de charger la munition dans le canon. Elle sert aussi à nettoyer le canon, et, si nécessaire, à extraire une balle ou un chiffon coinçés au fond du tube.
    La baguette est de la même taille que le canon, moins la hauteur de la tige (38 mm) : 0,83 m.

    La Carabine à Tige Modèle 1846

    Cette baguette est une forte tringle en acier, filetée à une extrémité. De l'autre côté, elle forme une tête tronconique et massive, creusée d'une empreinte pour s'adapter à l'ogive. La tête est percée d'un trou permettant d'y glisser une broche indispensable lorsqu'il faut extraire une balle. Le diamètre de la tête est de 16,8 mm. Au fort, la baguette est épaisse de 9,7 mm.

    La tête de baguette est prévue pour s'adapter à l'ogive pour ne pas la déformer par les chocs. On note que le N° 17, le matricule de la carabine, est poinçonné sur la baguette :

    La Carabine à Tige Modèle 1846
    La Carabine à Tige Modèle 1846


    Le canon

    Le canon est un tube en fer forgé, épais au tonnerre et aminci à la bouche. Au tonnerre, il porte 5 méplats longs de 10 cm sur les côtés et de 8 cm au sommet, le reste du canon est de forme cylindro-tronconique. Il porte au tonnerre, nous l'avons vu, une masselotte permettant d'y visser la cheminée de guerre et une hausse réglable.

    Côté bouche, le canon porte un petit guidon de forme demi-cylindrique placé sur une embase rectangulaire. L'ensemble, haut de 7 mm, est brasé sur la directrice du canon, à 17 mm de la bouche. Ce guidon forme, avec la hausse, les organes de visée de la carabine.

    Sur son côté droit, à 45 ° du guidon, le canon porte une directrice de baïonnette et son tenon en T. Cette pièce, longue de 94 mm, est brasée. Elle est destinée à recevoir une baïonnette modèle 1842.

    La Carabine à Tige Modèle 1846


    Côté tonnerre le canon est fermé par une culasse vissée à chaud, prolongée par la queue de culasse.

    Cette vue permet de comprendre comment la culasse ferme le canon. Il s'agit d'un bouchon fileté venant se visser dans le canon, le bouchon est prolongé par un pan tronconique se terminant par la queue de culasse. On voit bien le coup de burin donnant l'alignement de la culasse et du canon. Le compagnon canonnier qui a forgé la pièce l'a marqué d'un étoile. Le n° 575 est répété sous le canon afin d'appairer les pièces d'une même arme :

    La Carabine à Tige Modèle 1846


    Sous le canon, nous voyons les marques faites au cours de l'épreuve de résistance au tir d'une cartouche spéciale : le poinçon E, le chiffre 10 (pour le mois d'Octobre) et le poinçon du Directeur de la manufacture en losange. L'épreuve a été validée en Octobre 1847 :

    La Carabine à Tige Modèle 1846

    Le canon est foré au diamètre de 17,8 mm. Il porte 4 rayures plates tournant de gauche à droite au pas de 2 mètres. La profondeur des rayures est dégressive, passant de 0,5 mm à la culasse à 0,2 mm à la bouche. 

    Cette disposition était destinée à limiter l'affaiblissement des parois du canon, tel qu'on le concevait alors. L'expérience, notamment des campagnes de Crimée et d'Italie, allait montrer qu'il n'en n'était rien et que l'on pouvait rayer à 0,3 mm de profondeur uniforme sans danger.

    Cette photo le rend mal, mais les quatre rayures sont restées dans un excellent état : ni usure, ni corrosion, ni accidents :

    La Carabine à Tige Modèle 1846


    La Baïonnette

    La carabine modèle 1846 reçoit la baïonnette modèle 1842, à forte lame courbe longue de 57,5 cm montée sur une poignée en laiton fondu et une croisière en fer forgé.

    La forme recourbée de cette baïonnette n'était pas destinée à impressionner l'ennemi. C'est une légende à la vie dure ! La lame de cette arme prend simplement une forme permettant de charger la carabine sans se blesser à la main lorsque la baïonnette est fixée au canon :

    La Carabine à Tige Modèle 1846

    La Carabine à Tige Modèle 1846

     

    * * * * * *

    Conclusion


    Cette très belle carabine nous est parvenue dans un incroyable état de fraîcheur. Dans cet état, sans avoir été transformée T en 59-60, l'arme est exceptionnelle. La carabine est certainement restée longtemps oubliée au fond de l'armurerie d'un corps de troupe resté fort loin des soubresauts de notre histoire...

    Exceptionnelle, et encore davantage, si l'on songe aux transformations à tabatière effectuées massivement par le Gouvernement de la Défense Nationale dès le mois d'Octobre 1870 : tout y passait, y compris d'antiques fusils Mle 1816 à silex de la Garde Nationale !

    Cette carabine est devenue le témoin passionnant d'une période de forte "ébullition technologique".
    Entre 1838 et 1859, la France adopte successivement une douzaine de modèles réglementaires de carabines rayées ! Et on n'évoque même pas les modèles d'essais et autres prototypes.

    Cette étude est à lire dans la suite de celle que j'ai consacrée à la Carabine Modèle 1859.

     

    À bientôt pour d'autres découvertes !


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  • Bonjour à tous, amis du blog et de l'Histoire,

    J'ai enfin pu mettre la main sur un beau Fusil d'infanterie Modèle 1886 M93, le mythique fusil Lebel ! 

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    Ça faisait longtemps que j'en voulais un, mais soit je n'avais pas les moyens (ça coûte souvent très cher, un Lebel), soit ce n'était pas le moment, soit ... il n'y avait pas de Lebel potable en vue !

    Il faut savoir que ce fusil est resté longtemps prohibé comme arme de guerre sous l'ancienne 1ère catégorie. Désormais libéré en tant qu'arme de collection en catégorie C ... son prix s'est envolé !

    J'ai eu la chance qu'un tireur de mon club, un ancien comme on dit, soit en train de se rendre compte que ses enfants et ses petits-enfants se foutent copieusement de sa passion et de ses (belles) armes.
    Et donc il cherche à transmettre progressivement sa collection autour de lui.

    Et j'ai eu la possibilité et le plaisir de recueillir ce fusil pour un vrai prix d'ami.

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    Comme on le voit, le fusil est resté beau, le bronzage est un peu atténué au niveau du boîtier, mais bien conservé sur le canon. La monture en noyer est nickel, juste quelques gnons et griffures, mais c'est solide. 

    La mécanique n'a pas pris une ride, vu que tout baignait dans une bonne graisse : auget, détente, interrupteur de répétition, culasse et tête mobile. Le canon est bien un peu usé, mais bien rayé et sans accident.

    Tout est fonctionnel et opérationnel. Et en excellent état.

    Je vous invite maintenant à la découverte de cette arme mythique, en insistant sur les différents marquages (vous me connaissez !)

    Pour commencer, j'ai vite constaté que les bois étaient noircis de crasse.

    Il fallait donc démonter les deux parties de la monture pour la nettoyer.

    Ce qui n'est pas simple quand on ne connaît pas le fusil. 

    À partir d'outils de rebut et de bouts d'acier, j'ai pu fabriquer - à la meule, à la scie à métaux et à la lime - des têtes de tournevis à ergots adaptées à plusieurs vis de différentes dimensions.

    Les chasse-goupilles sont indispensables pour sortir les ressorts des garnitures ainsi que l'axe de retenue de la tête de magasin.

    Les "outils" ne sont pas très ... joli-joli, mais ils ont fait leur job :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 

    Voici la monture démontée, après lessivage et passages à l'acide oxalique.

    En particulier, on ne voyait pas que les bois étaient tigrés :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 

    Une fois le bois nettoyé, passé à la cire et astiqué, j'ai remonté le fusil.

    La crosse :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 

    Le matricule 93229 de la crosse est bien mieux lisible depuis le nettoyage du bois :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    La plaque de couche, de forme standard, est retenue par deux grosses vis à bois. Normalement, elle reçoit le numéro du corps d'affectation de l'arme. Mais pas toujours ...

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 

    La monture
    Un étonnant effet tigré :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    Voici un agrandissement des matricules portés sous le boîtier et la monture. Même si le marquage du bois a plus souffert, on peut encore voir que c'est au numéro 93229. Les lettres index F et P sous le boîtier ne semblent pas reproduites sur les bois (H ?) ...
    Il faut avouer que la typographie des lettres index est particulièrement difficile à lire ...

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 


    Le canon démonté

    permet de lire les marquages cachés.

    Sous le tonnerre, deux poinçons E et deux marques des contrôleurs en charge des deux épreuves. 

    L'une s'assure du bon assemblage du canon sur le boîtier, l'autre est l'épreuve de résistance au tir d'une cartouche spéciale.

    Le chiffre 12 permet de savoir qu'elles ont eu lieu en décembre de l'année de fabrication. 

    Enfin le traditionnel coup de burin lors de l'assemblage du canon sur le boîtier :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    Il est intéressant de noter que, depuis (au moins) 1840, sur TOUS nos fusils réglementaires, les poinçons d'épreuve du canon sont toujours apposées au même endroit, et toujours dans l'ordre : poinçon du contrôleur/poinçon E/n° du mois de l'épreuve !


    Les marquages

    Apposés à gauche du tonnerre, les initiales FV du fournisseur de l'acier du canon, les poinçons du Directeur de la manufacture R et du Contrôleur Principal de l'arme C, et, en dessous, le matricule 93229 et sa lettre index H cursive, identique à celle de la crosse :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    De l'autre côté du tonnerre les initiales MA pour Manufacture d'Armes, l'initiale S pour St Etienne et l'année de fabrication du fusil 1888 :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    La face gauche du boîtier porte le nom de la manufacture d'origine du fusil sous la forme :

    MANUFACTURE D'ARMES
    St Etienne

    et le modèle du fusil : MLE 1886  M 93

    Malheureusement, ces inscriptions sont assez peu appuyées ... et, avec le temps, deviennent parfois difficiles à lire.

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

     

    Les mécanismes

    Le boîtier vu de droite culasse fermée et verrouillée. C'est vraiment une belle arme.

    Devant le pontet, on voit le bouton quadrillé du levier d'enrayage de répétition - ici en position répétition - donnant la possibilité (!) au soldat de pratiquer le tir au coup par coup, comme sur un fusil Gras. 

    Transformer un fusil à répétition en arme à 1 coup : quelle chance !

    Ce genre d'accessoire était assez à la mode dans les années 80, en un temps où nos généraux redoutaient le tir "rapide" virtuellement gaspilleur de munitions ... :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    Vue de la culasse fermée, chien à l'abattu. Le verrouillage est assuré par deux tenons opposés portés par la tête mobile. On note que le matricule H 93229 est répété sur le massif du levier de manœuvre :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    La culasse ouverte sur l'auget. On voit bien la vis assurant la tête mobile sur le corps de culasse. Excellent état intérieur :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 

    Sous le boîtier, le pontet, lui aussi retenu par une f...tue vis à ergots !.

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    Sur le haut du boîtier et du tonnerre, on note deux poinçons N.

    Ils ont été frappés à partir de 1932 suite à l'adoption de la cartouche de 8 mm Modèle 1932 N. Cette cartouche développée pour les mitrailleuses, était aussi distribuée à l'infanterie.

    Sur le fusil 1886 M93, la modification porte sur la chambre et le ressort de percussion.

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

     

    La hausse

    Elle est fixée au canon par brasure. Lors la modification de 1893, la fixation sera renforcée par deux griffes entourant le canon et soudées. 

    Vue de dessus, planchette abaissée, curseur à la position la plus en arrière : 4. Le cran de mire est donc à la hausse de 400 mètres :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 

    Vue de gauche, les crans marquant les différentes positions et les indications de distances en hectomètres 4, 5, 6, 7 et 8. Ici, la planchette est basculée sur l'avant, dévoilant un cran de mire à la hausse de combat de 250 mètres.
    Les griffes sont bien mises en évidence :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    Vue de dessus, planchette basculée sur l'avant, montrant
    - les échelles de distances de 900 à 2400 mètres par paliers de 100 mètres, les distances de 1000 à 2400 sur l'échelle    gauche et de 900 à 2300 à droite.

    - le curseur mobile portant son cran de mire placé à la hausse de 2300 mètres.
    - Le cran de mire à la hausse de combat de 250 mètres

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 


    Les rayures du canon

    Voici une vue de la bouche du canon montrant les 4 rayures, usées mais toujours bien saillantes :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 


    Rosalie

    Enfin, avant de terminer, comment ne pas évoquer sa "lame sœur", Rosalie, sa compagne :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 

    Voici Rosalie au fourreau. C'est une pièce précoce à poignée en maillechort et qui possède encore son quillon recourbé en crochet. Il sera supprimé en 1916. Ici, le fourreau a perdu tout son bronzage :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 

    La lame est une aiguille à quatre arêtes, longue de 52 cm. Telle que, elle ne pouvait servir qu'à planter. Une lame plate aurait au moins permis de couper le bois ou le saucisson ... !

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 

    La poignée est en maillechort blanchâtre. On voit bien le poussoir de verrouillage :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    C'est une baïonnette à soie courte si on en croit cette vue du pommeau plat :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 

    Rosalie s'attache très fort au canon, ça ne bouge absolument pas :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

    Cette vue permet de comprendre l'expression "canne à pêche" :

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel 

    Enfin, pour terminer cette courte visite, voici les dimensions principales du fusil : 

    Le fusil d'Infanterie Modèle 1886 M-93 Lebel

     

    CONCLUSION

    Le fusil Lebel est un incontournable pour toute collection d'armes réglementaires françaises du XIXe siècle.

    Il fait le lien avec le XXe siècle et les armes qui vont lui succéder : mousquetons et fusils Berthier, fusils Mas 36 et 49/56.

    Et en plus, il est très beau.

    Mais surtout, cette arme est chargée du souvenir des combats de la Grande Guerre.

    Tous les Français ont entendu son nom, et encore nombreux ceux qui ont toujours chez eux une Rosalie ou une paire de vieilles cartouches Lebel. 

    Sa silhouette est parfaitement cohérente avec celles des armes qui l'ont précédée depuis les fusils modèle 1840.

    Un fusil français se reconnaît de loin.

    Quand à moi, il ne me reste plus qu'à apprivoiser l'arme, sa munition et son rechargement en vue de l'emmener au pas de tir à 100 et 200 mètres.

    C'est à dire trouver un bon jeu d'outils, des étuis et des ogives, mais aussi les tables de rechargement.

    * * * *

    Avant de vous quitter, je vous informe que prochainement, une suite à cette page sera publiée où nous développerons les aspects politiques de l'adoption du Lebel, mais aussi son utilisation jusque pendant la guerre d'Algérie.

    À bientôt !


    2 commentaires
  • Amis de l'histoire et des armes anciennes, je viens avec un fusil des plus rares.

    Voici un Fusil de Marine Modèle 1840 :

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    On remarque l'apparence équilibrée de cette arme, mais aussi le contraste de ses couleurs, le blond du bois, le blanc du fer et l'or du laiton. C'est une belle arme.

    * * * * * *

    Un fusil Modèle 1840 raccourci a été présenté dans ce blog il y a plusieurs années, voir ici.


    À titre de rappel, voici une présentation succincte du système 1840 :

    Ce système consacre une rupture complète dans la conception de notre armement.

    Jusqu'alors, la platine à silex régnait en maître absolu depuis le milieu du XVIIe siècle.

    La platine à silex était arrivée à une sorte de maturité avec le système 1822, aboutissement et perfectionnement du système 1777 / An IX.

    Mais leurs défauts n'avaient pas été éliminés :

    - une grande sensibilité à l'humidité, rendant impossible le tir par temps humide.
    - un trop grand nombre de ratés, en particulier dûs à l'usure du silex.
    - un tir d'ensemble rendu peu performant par le mode de chargement : une cartouche qu'il fallait "saigner" pour amorcer.

    La solution était connue : l'usage d'une capsule détonante assurant l'allumage de la charge était courant pour les armes de chasse dès les années 1820-25.

    Il y eut plusieurs prémices à l'adoption du système 1840 :

    En 1831, nos fabriquions quelques dizaines de Fusils de Rempart Modèle 1831. Ce fut une toute première arme militaire à percussion en France. Mais cette arme fort lourde - le canon était rayé - ne servait que dans nos fortifications afin de prendre à partie les sapeurs et artilleurs ennemis.

    En 1837 et 1838, nous adoptions en petit nombre le Fusil de Rempart Modèle 1837 et la Carabine de Tirailleurs Modèle 1838. Ces armes rayées étaient destinées à l'équipement de certaines de nos troupes en Algérie. 
    Il fallait pouvoir appliquer des tirs à longue distance, ce que ne pouvait pas faire le fusil en dotation : le Fusil d'Infanterie Modèle 1822 rappelons-le, était toujours à silex.

    En 1840, le temps était venu de tourner définitivement la page du silex.

    Les armes du système 1840 se distinguent de leurs devancières essentiellement par leur platine. Celle-ci est fort simple et ne comporte plus qu'un seul ressort assurant la mise en tension du chien et de la gâchette. 

    Le canon, dont la charge est désormais allumée par l'explosion d'une capsule, est pourvu des éléments suivants : une masselotte prise de forge avec la culasse est taraudée pour y visser une cheminée sur laquelle on va poser la capsule. La cheminée communique la flamme de la capsule par un canal débouchant de la masselotte dans la chambre à poudre.

    Pour le reste, le fusil 1840 est semblable aux armes précédentes : canon lisse, monture en noyer d'une seule pièce, fixation du canon par embouchoir, grenadière et capucine, plaque de couche plate, baïonnette à douille assurée par un tenon.

    Le canon, cependant, va bénéficier de deux nouveautés :

    - un cran de mire fixe est brasé sur la queue de culasse, donnant la hausse pour 150 mètres.
    - un guidon est brasé sur le dessus du canon, entre les bandes de l'embouchoir. 

    Ces deux éléments de visée vont, pour la première fois, permettre au fusilier de réaliser un véritable pointage. Progressivement la notion de "tir ajusté" va apparaître, puis on parlera de précision ... mais il faudra près de 30 années !

    Le système 1840 va très vite être remplacé par le système 1842 beaucoup plus simple et robuste. Seules quelques dizaines de milliers d'armes seront fabriquées pendant quatre ans. Elles ne seront mises en service que pour la Garde Nationale, puis stockées et revendues ou exportées.

    * * * * * *

    Revenons au vif du sujet avec cette vue du côté gauche de l'arme :

    Un fusil de Marine Modèle 1840


    Selon le Boudriot, ne seront produits que trois modèles de fusils 1840 :

    - le Fusil d'Infanterie,
    - le Fusil de Voltigeur,
    - le Fusil de Marine. Ce dernier fait uniquement par la Manufacture Royale de Tulle.

    Voici les principales dimensions du Fusil de Marine Modèle 1840 :

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Le calibre du canon est de 18 millimètres.
    L'arme pèse 4,24 kg avec la baïonnette.

    Ces dimensions sont celles des fusils de Voltigeurs.

    Le fusil de Marine 1840 reçoit des garnitures en laiton et porte la baïonnette à douille Modèle 1822 :

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    La platine

    C'est la pièce vraiment innovante du fusil 1840.

    Comme sur toutes nos platines depuis une centaine d'années, elle est marquée du nom de la Manufacture d'origine du fusil :

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Cette platine restera quasiment inchangée jusqu'aux systèmes 1857-59, nos toutes dernières armes à percussion.

    Elle est retenue à l'arrière par une vis à ergots faisant pivot, à l'avant par une vis traversant la monture et vissant sur une rosette formant écrou. Le démontage est très simple : on retire la vis avant et on extrait la platine.

    Voici cette rosette formant écrou à la vis de platine.
    L'aile arrière de la rosette retient une forte goupille assurant le maintien du passant de bretelle et du pontet.
    On notera sur ces deux photos la présence de joues dans le bois de la monture. Par souci de simplification, elles disparaîtront à partir du système 1842.

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    L'intérieur de la platine révèle la simplicité de sa conception :

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Le mécanisme est animé par un unique ressort à lame, agissant en haut sur la noix par l'intermédiaire d'une chaînette, et en bas sur la gâchette.

    La bride de noix est retenue par deux vis, elle assure le pivotement de la noix et de la gâchette.
    Remarquons que les pièces de cette platine on été faites par le même ouvrier platineur portant le matricule 22. Noter aussi l'encoche à l'arrière de la platine qui correspond à la vis à ergots. Cette vis ne peut être retirée que par l'armurier de la compagnie, seul détenteur d'un tournevis à ergots.

    Le logement de la platine. Remarquer l'excellent état des encastrements.
    On notera la marque en V faite dans le bois. Elle correspond à une marque identique frappée au burin dans l'épaisseur de la plaque. 

    Ces marques étaient faites en manufacture au cours du montage de l'arme.
    Une platine était attribuée à une arme particulière et pour bien les appairer, une marque était pratiquée de manière indélébile.

    La correspondance de ces marques atteste que l'arme est bien homogène :

    Un fusil de Marine Modèle 1840

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Le canon

    Le canon est l'autre pièce innovante du fusil 1840. 

    Il est constitué du canon proprement dit et d'un bouchon-culasse vissé.

    C'est la culasse qui retient notre intérêt car elle comporte une masselotte prise de forge et taraudée pour pouvoir y visser une cheminée de guerre.
    Une chambre à poudre est également ménagée dans la pièce.
    L'arrière de la culasse est taillé en biais et non plus droit comme on faisait d'habitude.
    Enfin, elle porte un cran de mire posé à queue d'aronde sur la queue de culasse. Ce cran de mire donne la hausse pour la distance de 150 mètres.

    Voici un dessin de la culasse vue en coupe (Cf. Boudriot,  1833-1861 Chargement Bouche Percussion) :

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Une vue de la culasse de mon fusil, montrant la hausse, la cheminée vissée sur la masselotte, l'arrière en biseau et la jointure entre la culasse et le canon :

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Comme on le voit, cette culasse va demander plusieurs usinages et ajustages, des fraisages, des taraudages, etc ...
    La complexité, la durée de fabrication et le prix de revient du fusil vont être augmentés.
    Ce seront là les principales raisons de l'abandon du système 1840 et son remplacement par le système 1842.

    Vu de haut : le cran de mire, la masselotte et sa cheminée, et la jointure avec le canon :

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Remarquons que la zone autour de la cheminée a été fortement corrodée.
    C'est la trace des nombreux coups tirés durant la vie active de l'arme, sans doute en service au sein d'une Garde Nationale.
    Les amorces étaient particulièrement corrosives et ce n'est qu'assez récemment qu'on a corrigé ce défaut.

     

    Les marquages

    Le fusil a conservé plusieurs marquages.

    Sur le pan gauche du canon et de la culasse, nous trouvons :

    - les poinçons du directeur et du sous directeur de la Manufacture de Tulle, C et AC.
    - le marquage C de 18 pour Canon de 18 (millimètres). C'est la première utilisation d'une dimension en mesure métrique.
    - la culasse est marquée d'un poinçon de réception ovale 2.

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Sur le pan droit, juste devant la cheminée se trouvent ces marquages :
    - 1844, le millésime de fabrication , fortement corrodé et quasi illisible.
    - Le marquage MR pour Manufacture Royale :

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Enfin, sur la queue de culasse, devrait se trouver frappé le modèle du fusil.
    Ce marquage a disparu probablement par suite d'un ponçage trop appuyé...

    La crosse reçoit une estampille circulaire indiquant l'année de fabrication, l'initiale du nom de la manufacture, les initiales des noms du directeur et du 1er contrôleur.

    Au centre de cette estampille, une cheville en buis enfoncée dans la crosse est marquée des initiales des manufactures de l'état, ici MR pour Manufacture Royale. 

    Voici les différentes initiales des chevilles de crosse entre le Premier empire et la Troisième République :

    - Durant le Premier Empire : EF pour Empire Français.
    - De la Restauration jusqu'en 1848 : MR pour Manufacture Royale.
    - Durant la Seconde République (1848-1852) : MN pour Manufacture Nationale.
    - Durant le Second Empire (1852-1870) : MI pour Manufacture Impériale.
    - Sous la Troisième république : MA pour Manufacture d'Armes;

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Ici, la cheville a été grattée pour faire disparaître la mention MR, probablement en 1848 et pour des raisons d'opinion politique ...

    L'estampille circulaire a souffert du temps et des plus ou moins bon traitements.

    Tous ces poinçons et marquages sont à leurs emplacements réglementaires.

     

    Les garnitures

    Il s'agit des pièces assurant essentiellement la cohésion et le service de l'arme :

    - La plaque de couche située sous la crosse.
    - L'ensemble sous garde-pontet-battant de bretelle situé sous la poignée et le tonnerre.
    - L'ensemble capucine-grenadière-embouchoir retenant le canon à la monture.
    - La baguette de chargement placée sous le canon, dans une rainure dédiée.

     

    La plaque de couche

    Elle protège la crosse des chocs avec le sol. La plaque de couche est fixée par deux grosses vis à bois à têtes arrondies. Elle permet aussi une bonne position à l'épaule, facilitant la mise en joue lors des tirs. C'est une pièce épaisse car elle est soumise à rudes épreuves :

    Un fusil de Marine Modèle 1840 

     

    L'ensemble sous garde-pontet-battant de bretelle.

    La prise en mains du fusil est favorisée par la sous-garde. Cette pièce porte la queue de détente et le pontet qui la protège, mais aussi le battant de bretelle inférieur.

    Depuis les armes du système 1777, la sous-garde porte des coches permettant d'assurer la position des doigts lors des tirs. En effet, la puissance du recul exigeait une prise en mains la plus ferme possible.

    La sous-garde est retenue par une vis à bois et par la vis de culasse. De plus, le pontet, tenu par un crochet arrière, est lui-même retenu devant par le montant du battant de bretelle qui est assuré par une forte goupille traversant la monture de gauche à droite.

    L'ensemble sous-garde - pontet - battant de bretelle est donc fermement tenu par deux vis et une goupille.

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    La capucine 

    Pourvu d'un retour inférieur, la capucine est bloquée contre un rebord de la monture par un ressort à pivot placé dans une rainure du bois. La capucine est le premier des trois bracelets retenant le canon, mais elle permet aussi de retenir la baguette avant qu'elle ne pénètre dans son canal percé dans la monture.

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    La grenadière

    Le deuxième bracelet est la grenadière, qui retient également le canon et la baguette. Elle s'appuie sur un rebord de la monture et, comme la capucine, est bloquée à sa place par un ressort à pivot monté sur une rainure du bois. Cette pièce assure aussi le point de pivotement du passant de bretelle supérieur.

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    L'embouchoir

    C'est le troisième et dernier bracelet. Il est placé à l'extrémité de la monture pour assurer trois fonctions:

    - Le maintien du canon et de la baguette, tout comme les autres garnitures.
    - La protection de l'extrémité de la monture, toujours fragile.
    - Faciliter la mise en place de la baguette par une ouverture élargie.

    Cette pièce est assez allongée pour former deux bandes supérieures autour du canon. Elle forme aussi une protection enveloppante à l'extrémité de la monture et enfin se prolonge en arrière pour assurer la baguette.

    L'embouchoir est retenu par un ressort à pivot muni d'un ergot et placé dans une rainure de la monture. 

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    La baguette 

    Dernière garniture du fusil, la baguette est l'élément indispensable pour charger le canon. Sa perte rend l'arme inutilisable.

    La baguette est une pièce en fer forgé de la même longueur que le canon. Sa tête "en forme de poire" est destinée à enfoncer la balle au contact de la poudre au fond du canon. Son autre côté est fileté pour recevoir le tire-balle - tire bourre, outil combiné permettant de décharger une arme ... que le tireur a chargé sans poudre. Ou de retirer un chiffon oublié au fond du canon. Cela se produit encore couramment de nos jours dans le circuit du tir aux armes anciennes.

    Enfin, la baguette est indispensable pour nettoyer le canon après un tir. À cet effet, on visse un lavoir sur son bout fileté afin d'y installer un chiffon que l'on passera dans le canon rempli d'eau afin d'en retirer toutes les crasses.

    Elle est transportée dans une rainure sous le canon. La baguette est maintenue en place par un ressort interne placé dans la monture, entre la platine et la capucine.

    Un fusil de Marine Modèle 1840 

     

    La baïonnette

    C'est l'attribut indispensable de tout fusil réglementaire de 1717 jusqu'à nos jours ! 

    La baïonnette du fusil 1840 reste celle du précédent système de 1822 : une baïonnette à douille, légèrement plus longue que celle de 1777. Elle mesure 52 cm de long, sa lame de 42 cm est de section triangulaire, plate du côté canon.

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    La douille permet de fixer solidement la baïonnette au canon.

    Elle est creusée d'une fente en Z, renforcée à la base par un pontet, et à son milieu se trouve une virole rotative permettant de verrouiller le tenon de l'arme sur la douille.

    La lame, légèrement divergente, est déportée de 3,5 cm à droite de la douille, de sorte que l'on puisse tirer et charger le canon sans se blesser.

    Nos baïonnettes sont fabriquées par la Manufacture de Klingenthal jusqu'en 1831, puis par la Manufacture de Châtellerault.

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Voici la baïonnette Mle 1822 en place au bout du fusil :

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Sur cette photo, nous pouvons voir que le tenon est bloqué au bout de la fente par la virole : la baïonnette est immobilisée.

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Bref comparatif 1840 vs 1842

    Le système 1840 est mort-né dès 1844-45 sera remplacé presqu'immédiatement par le système 1842, à la fois plus simple, plus robuste et moins coûteux à fabriquer. 

    Cette image nous montre deux fusils quasiment identiques.
    En haut, le fusil de Marine 1840, et dessous le Fusil de Voltigeurs Modèle 1842 T
    Apparemment, ils ont la même longueur, la même platine, la même baïonnette et la même monture :

    Un fusil de Marine Modèle 1840

     

    Avec cette photo, nous allons pouvoir détailler les points de différence : 

    - La monture à joues autour de la platine 1840 va disparaître sur le 1842.
    - La culasse du 1840 portant la masselotte et la cheminée va disparaître, remplacée par un simple bouchon-culasse.
    - Le canon 1842 porte une masselotte prise de forge et taraudée pour recevoir la cheminée.

    Par contre, la platine et les garnitures (plaque de couche, pontet, sous-garde, passants de bretelle et bracelets) seront conservés tels quels - hormis quelques modifications internes aux platines - jusqu'aux dernières armes à percussion du système 1857 - 59.

    Un fusil de Marine Modèle 1840

    L'usage du laiton est systématique pour les armes destinées à la Marine et aux troupes montées afin de tenir compte de leur environnement (air salin et sueur des chevaux). Cela concerne les armes pour la Marine, la Gendarmerie, la Cavalerie et l'Artillerie).

     

    Le système 1840, système mort-né

    Le système 1840 qui se voulait innovant va se révéler cher et complexe à fabriquer, notamment pour les différents usinages de sa culasse.

    Il va cependant adopter une excellente platine vraiment moderne, simple et robuste. Cette platine demeurera quasi inchangée pendant plus de 25 ans.

    Au plan pratique et tactique, les fusils Modèle 1840 permettront enfin de faire feu en tout temps, les ratés de l'ancien système à silex ont définitivement disparu.

    Car l'adoption de la mise de feu par percussion allait entraîner plusieurs améliorations tactiques.

    Premièrement, le chargement de l'arme étant simplifié, il devenait aussi plus rapide : augmentation du volume de feu de la troupe.

    Deuxièmement, la charge de poudre de la cartouche est intégralement versée dans le canon.
    La cartouche n'est plus "saignée" comme du temps du silex. Les coups de tous les fusils tous ont la même puissance, donc leurs balles ont la même trajectoire. Donc le tir est globalement mieux ajusté et plus performant.

    D'autant plus que, troisièmement, les capsules empêchent toute déperdition de gaz, car l'ancienne lumière est supprimée. 

    Pour autant, du point de vue de sa balistique interne et externe, le système de 1840 n'est pas fondamentalement différent des armes de Fontenoy.

    Le fusil Mle 1840 a toujours un canon lisse et tire une balle toujours ronde et en plomb.

    Cela signifie que, à cause des résidus de poudre noire, il faut ménager un "vent" à la balle.
    En effet, si on peut charger un fusil à chargement par la bouche avec une balle ajustée au diamètre du canon pour tirer juste 2 ou 3 coups, il devient impossible de le faire lorsque l'on tire davantage. 
    Car la poudre noire produit une grande quantité de résidus qui, en s'accumulant le long du canon, vont empêcher d'y charger la balle suivante.

    Il faut une balle d'un calibre légèrement plus faible de sorte que, malgré l'encrassement du canon, le tireur soit toujours en mesure de charger le coup suivant.

    Par conséquent, au départ du coup, la balle ronde va être propulsée dans le canon dans une suite de rebonds d'un bord sur l'autre.
    Et, à la sortie du canon, notre balle va pendre la direction donnée par le dernier rebond. C'est à dire jamais strictement dans l'axe.

    La vitesse initiale de la balle est considérable, plus de 420 mètres par seconde. Le fusil permet d'effectuer des tirs en salve jusqu'à 200 mètres, des tirs relativement ajustés jusqu'à 50 ou 60 mètres.

    Les fusils 1840 bénéficieront cependant d'une poudre noire de meilleure qualité, aux grains tamisés et plus homogènes. Cette poudre encrassera moins que les anciennes poudres de l'Empire.
    Il en résultera que l'on pourra enfin tirer avec un vent plus réduit sans détériorer la cadence de tir.

    La cartouche du fusil Mle 1840 contient 9 grammes de poudre à mousquet et une balle ronde de 17,2 mm de diamètre. Dans chaque paquet de 9 cartouches se trouve une barrette de 10 amorces à ailettes.

    La balle était chargé dans le canon du fusil enveloppée dans le papier de la cartouche, ce qui permettait de diminuer le vent.

     

    Pourquoi un "fusil de Marine" ? 

    La Marine a toujours eu ses exigences particulières en matière de matériel et d’armement.

    Ce n’est que très récemment que la Marine a adopté l’armement de l’Armée, et encore, avec modifications !

    En effet, le service en mer expose le navire et tout ce qu'il contient, l’équipage et bien entendu l’armement, à un environnement particulier. L’humidité, les embruns, l’eau de mer, la salinité, les questions d’encombrement, sont des contraintes qui n’existent pas sur la terre ferme.

    Les armes à feu et les armes blanches  répondent donc à un « cahier des charges » spécial.

    Dans la marine, on n’a pas de chevaux. Donc pas besoin de grands sabres.

    Dans la Marine, on est toujours encombrés, la place est rare. Par suite, les armes sont plus compactes : un Sabre de Bord Mle An IX est à peine plus long qu’un Briquet Mle 1767.

    Dans la Marine, on va adopter un armement spécifique au combat en milieu confiné. Pour les armes blanches : haches raccourcies, poignards, sabres courts.

    Pour les armes à feu : pistolets, mousquetons adaptés, fusils courts. La Marine sera longtemps la seule à utiliser la grenade.

    Le fusil Mle 1840 de Marine est identique au fusil de Voltigeur. Seule différence : on l'a équipé de garnitures en laiton (pontet, capucine, grenadière, embouchoir). Le laiton, ça ne rouille pas.

    Ce fusil est le plus court possible compatible avec une portée convenable.

    Un mousqueton est trop court, manque de puissance et perd très rapidement en justesse. C’est la raison pour laquelle les marins utiliseront le tromblon et surtout le pistolet à sa place.



    Les troupes de la Marine aux XVIIIe et XIXe siècles 

    Dans chaque vaisseau, il y avait un détachement de soldats équipés comme dans l’infanterie. 

    Leurs missions étaient variées :

    En mer, ils étaient chargés de la discipline générale à bord du navire. 

    En cas de combat naval, ils assuraient le tir de mousquèterie sur les vaisseaux ennemis depuis les hunes et choisissaient leurs cibles parmi les cadres des navires ennemis (anglais la plupart du temps).
    C'est ainsi que l’Amiral Nelson a été tué à la bataille de Trafalgar par un fusilier posté dans une hune du vaisseau Le Redoutable.

    Naturellement, ces soldats formaient l’essentiel des groupes d’abordage.

    Enfin, les fusiliers étaient aussi chargés de réaliser les débarquements en zone foraine, lorsque le navire devait faire halte pour se ravitailler ou pour rechercher du renseignement. 

    Il fallait alors protéger le mouillage contre d’éventuelles attaques (indigènes, trafiquants, ennemis …)

     

    Pour conclure

    Mon fusil de marine Modèle 1840 a gardé les traces d'un usage soutenu pendant plusieurs années. Police des Ports, ou Garde Nationale ? ... on ne saura jamais.
    Puis, stocké au sein d'un dépôt ... il a fini par être oublié.

    Avec ses cicatrices et les chocs de sa monture, cette arme est restée dans son jus, complète et conservant intactes toutes les caractéristiques de son système et la plupart de ses marquages.

    C'est aussi un fusil devenu rare. Très rare même. Donc un témoin précieux qui a sa place dans toute collection d'armes réglementaires françaises du XIXe siècle.

    C'est le mien. Et en plus, il est beau.

     

    À bientôt !


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  • Bonjour à tous, amis du blog et de l'histoire !

    Voici donc un Fusil d'Infanterie Modèle 1867, issu de la transformation d'un Fusil de Voltigeur Mle 1857 :

    Un fusil à tabatière
    Un fusil à tabatière
    Un fusil à tabatière

    Avant d'examiner cette arme, il n'est peut-être pas inutile de restituer succinctement le contexte dans lequel elle est apparue.

    Pour cela, faisons un rapide point sur les connaissances en balistique en 1867. C'est parti :

    Depuis 1840 et l'adoption - pour l'ensemble de notre armement - de la mise de feu par percussion, les progrès furent constants. Dès lors, on pouvait ENFIN utiliser notre armement par temps humide (pluie, brouillard, neige...).
    Dès lors également, on put ENFIN commencer à envisager un meilleur comportement de nos armes : cadence de tir, justesse puis précision, et les expérimentations se succédèrent :

    - on savait déjà rayer les canons de rayures hélicoïdales permettant que la balle soit guidée et stabilisée par effet gyroscopique ... sous certaines conditions, on obtenait une très nette amélioration de la précision des tirs.
    Défaut : lenteur et difficulté du chargement puisqu'il fallait charger la balle (ronde) à coups de maillet, et fort risque de déformation de la balle annulant toute précision.

    - on essaya la "balle à sabot", une balle ronde attachée à un tampon en bois appelé sabot, système sensé stabiliser la balle dans un canon qui était encore lisse. Légère amélioration du pourcentage de balles arrivant dans une cible aussi grande qu'une porte cochère ... 
    Défaut : le sabot est détruit par le tir et au sortir du canon, ses éclats sont dangereux pour les voisins du tireur.

    - on essaya la "chambre rétrécie", système devant permettre - par matage de la balle ronde - de lui faire épouser les parois du canon et éviter les aléas dus au "vent" (différence de diamètre de la balle et de l'intérieur du canon. Ce "vent" était indispensable pour permettre de recharger l'arme malgré les crasses et résidus des tirs précédents)
    Ces "chambres rétrécies" furent essayées sur des canons lisses et rayés. On constatait que la  précision augmentait quelque peu ...
    Défauts : les crasses d'accumulaient au fond de la chambre rétrécie au point de la combler, annulant tout effet. Les balles, matées sur le pourtour de la chambre à grands coups de baguette, étaient complètement déformées et perdaient le peu de précision qu'elles auraient pu avoir. Le nettoyage de la chambre était compliqué et difficile. Enfin, le coût d'usinage d'une culasse à chambre rendait le prix de l'arme trop élevé. La faible amélioration de la précision fit abandonner ce système.

    - on essaya la "chambre à tige", système analogue à la chambre rétrécie mais inversé, sur nos carabines de Chasseurs rayées et sur nos armes du système de 1853, lisses. Une longue tige était vissée au centre et au fond de la culasse, ménageant un espace pour la charge de poudre, mais dépassant de celle-ci. Le principe était que la balle devait être frappée à la baguette pour que, stoppée par la tige, son pourtour épouse les rayures du canon. Le projectile ogival utilisé était l'énorme balle Tamisier pesant 47,5 g ! Ce système fut utilisé lors de la campagne d'Italie. La "précision" s'améliorait tout de même.
    Défauts : là encore, encrassement très rapide de l'espace inter-tige et nettoyage compliqué, coût de fabrication, irrégularité du tir dû aux déformations de l'ogive, balle très (trop) lourde définissant une trajectoire peu tendue ... L'apparition de la balle expansive à jupe du Capitaine Minié fit abandonner aussi ce système :

    - En effet, entre 1845 et 1851, on eut enfin l'idée d'utiliser une balle ogivale creuse, au diamètre à peine inférieur à celui du canon au plat des rayures. Cette fois, on tenait la solution permettant de tirer convenablement avec un fusil rayé à chargement par la bouche. Le chargement et le tir sont aussi simples que sur une arme lisse et la précision est vraiment meilleure. On ne parle plus de pourcentage de balles arrivant dans un rectangle donné à telle distance, mais de précision individuelle de chaque arme. Le nom de Minié restera attaché à ce type de balle qui fut introduit en 1854.

    - En 1841, cependant, la Prusse avait adopté une arme révolutionnaire, rendant obsolètes tous les autres systèmes.
    Le fusil Dreyse et sa culasse mobile à aiguille permettait pour la première fois le chargement par la culasse adaptable à une arme militaire, c'est à dire possédant des
    qualités de simplicité et de robustesse suffisantes. Bien entendu, le fusil était rayé, et d'une précision suffisante jusqu'à 300 mètres. L'énorme avantage tactique offert par cette arme (et toute arme à chargement par la culasse) était de permettre le chargement du fusil en position couchée. Alors que sur toute autre arme à chargement par la bouche, les soldats devaient rester debout et immobiles sous le feu ennemi pour recharger ...

    Mais le Dreyse devait rester secret longtemps ... et d'autres inventeurs se manifestèrent, surtout dans ces trois pays : les USA, l'Angleterre et la France. Citons en vrac : Henry Peabody, Casimir Lefaucheux, Jacob Snider, Manceau & Vieillard, Sharps, Henry, Chassepot, etc ...

    Examinons maintenant ce fusil en détail.

    La platine marquée de la Manufacture Impériale de Tulle. Le chien est à l'armé, prêt à agir sur la tête moletée du percuteur. La tête du chien a été légèrement relevée et décalée afin de correspondre à la tête du percuteur.
    La tête du percuteur est en forme de bouton moleté. Ça donnait une prise aux doigts du tireur pour tirer le percuteur vers l'arrière en cas de percement de l'amorce :Un fusil à tabatière

    Le chien est ici à la position de demi-armé. Cette position permet de conserver une arme approvisionnée. Il suffira de relever le chien et le fusil sera prêt à faire feu. Lorsque le chien est à l'abattu, il cache entièrement la tête du percuteur.

    On remarque que son encastrement a souffert ... Ici, c'est la monture qui accuse les ans bien davantage que les fers et aciers.Un fusil à tabatière

    La hausse en L.
    Le défaut de cette hausse est de masquer la vue autour du point visé lorsque l'on utilise le cran intermédiaire de 400 mètres. Une hausse analogue à celle de la carabine 1859 ou même du fusil Mle 1866 eut été un bien meilleur choix.
    Un fusil à tabatière

    L'intérieur de la platine.
    Cet ensemble est restée à l'état neuf. Noter que la platine porte toujours la dénomination de son modèle : Mle 1857.

    Observons que le matricule J28 est poinçonné sur toutes les pièces, y compris les têtes de vis. Ce matricule est celui du compagnon platineur qui a fabriqué la platine :
    Un fusil à tabatière

    La culasse fermée. Cette culasse est du premier modèle.
    On remarque l'échancrure qu'il a fallu pratiquer dans la monture pour recevoir la boîte de culasse. Cette pièce reçoit le canon qui est vissé dedans, et porte une queue de culasse abaissée venant se visser sur l'écusson de détente à la place de l'ancienne.
    Un fusil à tabatière

    La culasse ouverte.
    Très bel état intérieur. On remarque le fond échancré de la culasse mobile  et le N° matricule frappé dessous, le ressort de rappel de l'extracteur monté sur l'axe de la culasse :Un fusil à tabatière

    On remarque ici l'orifice du percuteur. 
    La percussion des fusils 1867 était l'un des seuls défauts de conception, car elle se faisait presque à 45°.
    Du coup la percussion des cartouches - parfois de mauvaise fabrication - pouvait donner lieu à des ratés. 
    Il arrivait qu'il faille percuter à 2 ou 3 reprises avant que la cartouche ne consente à faire feu ... On comprend que certains soldats n'appréciaient pas trop ... 
    Bonne vue aussi sur le fond de la boite de culasse et sa rainure en relief destinée à faciliter la prise de l'étui vide :Un fusil à tabatière

    Les pièces démontées, culasse présentée vue de dessus et de dessous. De haut en bas :
    - le percuteur, son ressort de rappel et sa vis-arrêtoir,
    - la culasse et son "tire-cartouche" (on ne parlait pas encore d'extracteur), les deux portent le n° matricule,
    - l'axe de rotation de la culasse, son ressort de rappel, sa vis-arrêtoir :
    Un fusil à tabatière

    La chambre et la naissance des rayures :Un fusil à tabatière

    L'intérieur du canon. C'est ce qu'on appelle "une glace" :Un fusil à tabatière

    Voici l'une des cartouches que je fabrique à partir de douilles en plastique calibre 12 :Un fusil à tabatière

     

    En conclusion :

    - Le fusil est complet, le mécanisme de la culasse à tabatière est fonctionnel et sans jeu, les ressorts sont très fermes.

    - La culasse du premier type se démonte aisément, elle est restée en excellente condition.

    - La platine est également à l'état neuf, toutes les pièces bien matriculées J28.

    - La monture a anciennement reçu une attaque de vers, fort heureusement stabilisée. Elle reste bien solide.

    - Le tampon de crosse a disparu, la cheville de buis est restée en place, mais les initiales MI sont effacées.

    - L'intérieur du canon est quasiment miroir, quelques traces en fond de rayures et du côté de la bouche.

    - La baguette est bien du modèle, c'est à dire une tête de clou modèle 1847 N mais avec un trou traversant pour loger une broche.

    - La hausse est du type anguleux. La planchette en L - avec crans pour 200, 400 et 600 mètres - est bien maintenue par son ressort, aucun jeu. 

    - Les marquages : Manufacture Impériale de Tulle sur la platine, poinçons de réception sur les garnitures, matricule 2302 à l'intérieur de la culasse.

    - Lors de la transformation au modèle 1867, le canon a été coupé à 4,5 cm de  la tranche du tonnerre, puis taraudé et fileté afin de le visser dans une nouvelle boîte de culasse. Dès lors, les marquages de la queue de culasse et des pans droit et gauche du canon disparaissent.

    Bref, dans ma collection, ce fusil est bien là ou il est, car l'arme n'est pas vraiment aisée à dénicher.

     

    Juste avant de terminer :

    jetons un petit coup d'œil à ses "collègues" du Second Empire :

    Le fusil Modèle 1866 Chassepot :

    Un fusil à tabatière

    Le fusil Remington "Egyptien" (Importé par le gouvernement de la Défense Nationale) :

    Un fusil à tabatière

    Le fusil Snider BSA (Également importé par le gouvernement de la Défense Nationale) :

    Un fusil à tabatière

    La carabine modèle 1859 (Campagne du Mexique) :

    Un fusil à tabatière

    Le fusil modèle 1854 de la Garde (Campagne d'Italie) :

    Un fusil à tabatière

    Le fusil modèle 1853 T Car (Campagne de Crimée) :

    Un fusil à tabatière

    Le fusil modèle 1822 T Bis (Campagne du Mexique) :

    Un fusil à tabatière

    Le mousqueton de Gendarmerie modèle 1842 (Campagnes de Crimée, d'Italie et du Mexique):

    Un fusil à tabatière


    Comme vous le voyez : le Second Empire, c'est vraiment mon thème favori ...


    A bientôt !


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  • Amis collectionneurs, je viens vous présenter un fusil très particulier :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    Il s'agit de toute évidence d'un Fusil d'Infanterie Modèle 1874 Gras.
    Il présente toutes les caractéristiques de l'arme réglementaire : dimensions, poids, fonctionnement, mais il n'y n'a aucune indication de modèle, ni de manufacture, pas de numéro de série. Pas de poinçon de réception.

    Juste quelques tout petits marquages et poinçons qui en font un fusil totalement civil, peut-être fabriqué pour l'équipement des nombreuses sociétés de tir qui s'installaient alors partout en France, encouragées par les plus hautes autorités publiques.

    Le fusil mesure 1,31 m, son canon fait 0,83 m depuis la tranche du tonnerre.

    Il pèse 4,250 kg avec la bretelle.

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    L'arme est restée en excellent état, pour ne pas dire quasiment neuve, notamment l'intérieur du canon et sa culasse mobile.

    Le bronzage noir est un peu terni, la monture en noyer est toujours solide avec de ci, de la, quelques traces, rayures et petits chocs. Globalement très propre.

     

    Examinons l'arme dans ses détails visibles.

     

    Le boîtier côté gauche culasse ouverte. Arètes vives, bronzage profond, état de surface très propre :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir 

    Sous la hausse se trouve le seul marquage significatif visible, le poinçon des armuriers de Saint-Etienne :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir 

    Le boîtier vu de dessus, culasse fermée, l'acier des pièces de la culasse mobile est dans un très léger poli gris clair, un beau contraste avec le bronzage noir du boîtier :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    Le boîtier vu de la droite, culasse ouverte, on voit nettement les fraisages internes de la modification de 1880. La manœuvre de la culasse montre une fabrication très ajustée, bien serrée, il n'y a absolument aucun jeu :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    La culasse mobile retirée montre qu'elle porte le chiffre 1 poinçonné sur la tête mobile, sur le cylindre et sur le chien; remarquons aussi que le levier a noirci, la transpiration de l'utilisateur à marqué l'acier :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    La culasse démontée. C'est tellement serré que le percuteur, collé par la graisse, a eu du mal à sortir.

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    La hausse mobile retournée vers l'avant pour montrer la double échelle des distances, graduée en hectomètres.

    À gauche, l'échelle pour le cran mobile inférieur donnant les portées entre 350 et 1300 mètres. À droite, l'échelle pour le cran supérieur de la rallonge donnant les distances de 1400 à 2000 mètres.

    Cette hausse est donc assez compliquée à utiliser pour le brave biffin de 1880. Ainsi, lorsque le tir est ordonné pour la distance de 700 mètres, notre fantassin doit choisir le bon cran de mire sachant qu'il en a 4 superposés devant ses yeux :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    La crosse du fusil ne porte ni macaron ni matricule. Même s'il est resté en excellent état, le noyer a été taché près du bec de crosse. C'est le signe que la plaque de couche a été anciennement rouillée, là encore la marque d'un mauvais stockage :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    La grenadière et son anneau de bretelle retenu par un ressort à pivot :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    L'embouchoir et son ressort à pivot, la baguette et le tenon de baïonnette. Il faut noter que la grenadière et l'embouchoir sont polis blanc et semblent n'avoir jamais été bronzés. Le guidon, de grande taille, monté à queue d'aronde fait saillie de 5 mm sur son embase :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    La bouche du canon. Le guidon triangulaire et son embase. L'intérieur du canon montre les quatre rayures. La photo prise à la lumière du jour le rend mal, mais l'intérieur du canon est miroir, les rayures sont profondément marquées et sans le moindre accident :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    La chambre et la naissance des rayures. Là encore, notez l'état interne du canon et des rayures. L'emplacement rectangulaire situé au dessus de la chambre est le logement de la griffe de l'extracteur :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

     

    Poursuivons notre visite après avoir séparé la monture de l'ensemble canon-boîtier.

     

    Voici les marquages relevés sous le canon.
    Tout d'abord la marque du canonnier, un certain E. Block de Saint-Etienne.

    La mention du calibre : 11,0 mm.
    Le trait au burin d'alignement du boîtier et du canon.
    Sous le canon et le boîtier sont répétés le chiffre 1 déjà relevé sur les pièces de la culasse :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    À l'intérieur de la monture nous voyons l'inscription manuscrite au crayon "N° 1" ainsi que le minuscule poinçon 1 :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

     

    Conclusion.

     

    Ce fusil est pour moi une énigme.

    De fabrication très soignée, l'intérieur est en meilleur état que l'extérieur qui a subi les marques d'un usage qui a dû se limiter à des manipulations. Le canon et la culasse mobile sont restés à l'état neuf et sans usure.

    On a pris soin de numéroter à l'identique les principales pièces de l'arme. S'agit-il d'un exemplaire de pré-série au vu de son numéro 1 ?

    Le fusil est homogène car toutes les principales pièces : le canon, la culasse, le boîtier de culasse et la monture ont reçus le même poinçon 1. Ce n'est pas un remontage, toutes les pièces ont été assemblées neuves pour réaliser ce fusil. 

    Mais nous ne saurons probablement jamais à qui a servi ce fusil.

    Dans une société de tir, alors qu'il n'a quasiment pas tiré ... ?

    Dans un "bataillon scolaire" ou il n'aurait servi qu'à faire de l'ordre serré ... alors qu'on trouvait des "armes factices" faites pour cela ?

    Pour ce qui me concerne, il me reste à lui refaire des cartouches, puis à l'essayer au tir.

     

    * * * * * *

     

    En guise de tableau final, voici le fusil avec ses cartouches d'origine et une baïonnette Mle 1874. À noter que c'est une bretelle de fusil Mle 1886 Lebel qui est montée, bien que légèrement différente de celle du Gras :

    Un fusil Gras Modèle 1874 M80 pour société de tir

    À bientôt pour d'autres découvertes !


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  • Me voici de retour en compagnie du plus beau fusil Mle 1822 T bis que je connaisse :

    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    Je ne reviens pas sur l’histoire de cette arme. Je l’ai déjà présentée ici.

    Voici son parcours tel qu'on peut le "suivre" à la lecture des différents marquages.

    Il s’agit d’un fusil de fin de production. 

    En effet, il a été fabriqué à la Manufacture Royale de Saint Etienne en 1839. C’était alors un fusil d'Infanterie, long d'1,471 mètre. Le canon était au diamètre de 17,5 mm, il tirait une balle ronde au calibre de 17,2 mm.

    A peine fabriqué, suite à un accident (maladresse, chute, choc, ... ?), le fusil est retourné à St Etienne pour y faire réparer sa crosse. A cette occasion, un macaron particulier sera apposé. Nous le découvrirons plus loin.

    Vers 1843-44, il a été envoyé à la Manufacture Royale de Tulle pour y subir la transformation T.

    Cette transformation consiste à adopter la mise de feu par percussion et la suppression des pièces de l'ancien système à silex. Le canon est réalésé au diamètre de 18 mm. Mais …. il tire toujours la même balle ronde de 17,2 mm.

    Enfin, en 1859, il retourne chez lui - à St Etienne - pour y recevoir sa transformation Bis portant principalement sur le rayage de son canon : 4 rayures plates, hautes de 0,2 mm, larges de 7 mm, au pas de 2 mètres. Le canon des fusils d'infanterie est raccourci de 5,4 cm ce qui obligera à raccourcir également la monture et à décaler l'embouchoir et son ressort. L'arme mesure maintenant 1,421 m, c'est à dire la taille des anciens fusils de Voltigeurs.

    Désormais, il n'y a plus qu'un seul modèle de fusil pour toute l'infanterie sauf à la Garde Impériale qui enrôlait toujours des hommes de grande taille. (Auparavant, on avait les fusils de Grenadier, les fusils d'Infanterie et les fusils de Voltigeur, tous de longueur différentes) 

    Un nouveau cran de mire est posé, réglé pour la distance de 300 pas.

    Suite à cette 2e transformation, le fusil sera expédié ... au fin fond du dépôt d'une obscure Garde Nationale Sédentaire ou il sera consciencieusement oublié. 

    C’est tant mieux pour le moblot de 1871 qui n’aura pas été à la riflette avec une telle antiquité *, et pour nous qui pouvons le recevoir dans un état splendide.

    *********

    Revenons au fusil.

    Le fusil vu de gauche :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    La crosse et la platine :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    Le bois sélectionné pour la monture est une magnifique loupe de noyer :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    Côté gauche, la joue de crosse montre également un très beau veinage :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis 

    L’ensemble sous-garde - pontet - battant de bretelle.
    Remarquez le parfait encastrement de la platine :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    La platine.
    On distingue la pièce d’obturation du logement du bassinet.
    Fraicheur du marquage et du poinçon de réception N :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    Ici, on remarque ici la forte épaisseur de la platine.
    Notez les marquages apposés sur le canon :
    - un petit P étoilé dans un poinçon en losange,
    - les initiales MR pour Manufactures Royales,
    - le millésime de fabrication 1839.
    - un C couronné dans un poinçon ovale.
    - le n° 18 que nous retrouverons sur le chien et certaines pièces de la platine.
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis 

    L’intérieur de la platine, les différents numéros d’ouvrage, dont le 18 que nous avons déjà rencontré sur le canon.
    Hormis le nouveau chien-marteau et la pièce d’obturation du bassinet, aucune autre modification n’est intervenue.
    Et toujours un état neuf.
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis 

    Les marquages sur le pan gauche du canon, dont les poinçons de réception :
    - un B mal frappé dans un ovale
    - un M couronné dans un ovale
    - le marquage réglementaire C de I8 pour “Canon de 18“ (millimètres)
    A noter que l’arme n’a pas reçu de matricule. Elle n’a dont certainement pas été attribuée à un corps de troupe.
    La queue de culasse porte le nouveau cran de mire, assez haut, pour la distance de 300 pas.
    Le millésime 1822 T bis a été visiblement refrappé sur l’ancien 1822, à moitié effacé par le cran de mire.
    Au niveau de la poignée, le n° 21 profondément marqué est une marque de crossier.
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis 

    Le marquage de la transformation Bis, S.1859, est normalement caché par la platine.
    La majuscule E, déjà rencontrée sur cet autre fusil 1822 T bis.
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    Voici les marquages du côté droit de la crosse.
    Elle ne porte pas de macaron de réception ni de cheville en buis poinçonnée MR.
    Mais on y trouve l’historique des trois interventions qu’a subi le fusil.
    - le macaron de l’atelier de réparation de St Etienne, lors de la réparation de la poignée.
    - la mention TULLE, manufacture ayant procédé à la mise à percussion lors de la transformation T.
    - la mention St ETIENNE, manufacture ayant fait le rayage du canon pour la transformation Bis de 1859
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis 

    Agrandissement du macaron correspondant à la réparation de la poignée de crosse.
    Le coq de la Monarchie de Juillet est entouré de la mention “ … DE REPAR (ation) DE St ET(ienne) …“ et la date 18..
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis 

    Sur la crosse vue de gauche et la joue, ce marquage PR (P inversé) ou 4R :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    La crosse à droite montre ces trois poinçons :
    - A couronné
    - D couronné
    - M
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    Derrière l’esse de contre-platine, un marquage très appuyé P et N (ou I ?) :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    Nous l'avons signalé plus haut, le fusil a été accidenté alors qu’il venait d’entrer en service.
    Un accident a fait apparaître à la poignée une fêlure au niveau d’un nœud de la monture.
    L’atelier de réparation de St Etienne a posé une broche en fer pour renforcer cette zone, la sous-garde assurant également un rôle d’attelle.

    Ici, la broche est visible dans la saignée de la poignée, de même que la fêlure côté droit :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    Poursuivons notre visite.

    Ici, la capucine et son ressort à épaulement :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis 

    La grenadière et son ressort :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    L’embouchoir et son ressort à ergot, la baguette Mle 1847, le guidon et le tenon de bayonnette.
    Toutes les garnitures portent le poinçon H :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    Le canon et ses 4 rayures plates.
    Assez terne, mais pas usé, le canon a conservé son calibre :
    17,70 au sommet des rayures
    18,03 au creux des rayures.
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis 

    Le fusil Mle 1822 T Bis, comme toutes les armes à chargement par la bouche en service en France tirait une cartouche en papier réunissant la balle et la charge de poudre. Les amorces étaient fournies par 8 dans chaque paquet de 6 cartouches.

    La balle utilisée sera d’abord la balle à jupe Mle 1857.
    Très médiocre par sa précision, cette balle sera remplacée par la balle à jupe Modèle 1863 de 36 g.
    L’épaisseur du papier enroulé autour de la balle de 17,2 mm compensait le diamètre du canon (18 mm) :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis

    Voici une cartouche et des balles Mle 1863. Je charge à 5,5 g de poudre noire PNF1.
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis 

    Enfin, accessoire indispensable pour tout assaut “à la française“, la bayonnette. Ici, du modèle de 1822 :
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis 
    Un magnifique fusil d'Infanterie Modèle 1822 T Bis 

     

    * * * * * * * * *

    Comme vous aurez pu le constater, ce fusil est magnifique.

    Une loupe de noyer bien veiné, normalement réservée aux armes de chasse de luxe, un joli macaron au coq, des marquages bien nets, des garnitures impeccables.

    Ce fusil a traversé plusieurs régimes : Louis-Philippe, la Seconde République et le Second Empire, chaque époque ayant laissé ses traces sur l'arme. 

    Un poinçon par-ci, une modification par là ... les armes anciennes sont autant de petites encyclopédies qui composent une histoire parfois oubliée. Mais qu'il faut savoir lire.

    Question utilisation, comme on l'a vu, je tire à la cartouche en papier, recherchant davantage la proximité avec le soldat du temps que la performance sportive.

    A bientôt

     

    Note :

    * En effet, lors de la guerre Franco-Allemande de 1870 - 1871, et surtout dans sa 2e phase "Défense Nationale", nous utilisions alors l'une des armes les plus modernes au monde : le fusil Remington Rolling Block "Egyptien", de calibre .43 (11 mm), arme qui utilisait une cartouche métallique à percussion centrale, reléguant, par sa rusticité, sa précision et sa cadence de tir les Chassepots et autres Dreyse au rang d'armes dépassées.
    Cependant, certains Mobiles (à Paris notamment) seront équipés de fusils Mle 1822T Bis comme celui-ci : armes à chargement par la bouche et à la balistique totalement incompatible avec le combat moderne tel qu'il se pratiquait alors.


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  • Bonjour à tous,

    Aujourd'hui, je viens vous parler d'une arme rarement rencontrée mais que j'ai déjà évoqué ici.

    Une arme qui m'a permis de découvrir puis de me perfectionner dans le tir sportif aux armes anciennes. 
    Plus précisément le tir dans les disciplines debout à bras francs à 50 mètres Lamarmora et Camerone / Sebastopol.

    Voici mon fusil, la réplique de chez Euroarms du fusil Mississippi Rifle, calibre .54 :The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle

    Voici un vrai (la source de la photo est visible) :The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle

    J'ai acheté le fusil d'occasion en Mai 2010 (sur un forum dédié à la Poudre Noire) .

    Avant de vous présenter mon fusil de plus près, je vous propose ce petit aperçu de son histoire :

    En Mars 1839, Benjamin Moor, Master Armorer à l’Arsenal de Harpers Ferry reçut la mission de concevoir un fusil rayé à percussion destiné à l’équipement de l’Armée.

    Il était précisé que les fusils devait avoir «des pièces interchangeables, et que la standardisation de la fabrication devait se faire par l’utilisation de jauges de vérification.»

    En Mars 1840, l’arsenal de Harpers Ferry présenta à l’Ordnance Department un prototype de fusil rayé à percussion. L’arme fut testée jusqu’en Janvier 1841, puis remise à l’arsenal  pour modifications.

    En Février 1841, le fusil était adopté en tant que Model 1841 Percussion Rifle. Une présérie fut fabriquée par l’Arsenal de Harpers Ferry. 
    En 1842, l’un des exemplaires de présérie restant fut soumis à plusieurs séries de tests à l’Arsenal de Washington afin de déterminer la portée, la précision et la pénétration des balles. 
    A l’occasion de ces essais, des tirs furent conduits afin de comparer l’arme avec :
    - le fusil rayé anglais Brunswick
    - le prototype français de Delvigne (designé « Chamois Hunter »)
    - le fusil réglementaire suisse
    Le Model 1841 Rifle de Harpers Ferry remporta ces tests comparatifs.

    Le démarrage de la fabrication du fusil sera beaucoup plus tardif et la fabrication proprement dite fut marquée par plusieurs modifications successives concernant les cheminées, les garnitures et enfin l’introduction de l’acier fondu pour le canon (Fin 1851).
    A noter que d’autres modifications concernant un peu plus d'un millier d'armes furent également faites à Harpers Ferry : hausse réglable, support pour un sabre-bayonette.

    Entre 1844 et 1855, un peu plus de 92000 fusils Mod 1841 furent fabriqués, principalement à Harpers Ferry mais aussi par l’industrie privée : Remington, Eli Whitney, Robbins & Lawrence, etc …

    Lors de la guerre civile, le fusil fut utilisé par les deux camps. 
    L’armée Confédérée fit réaléser la plupart de ses fusils 1841 au calibre de .58 et 3 rayures, afin de simplifier sa logistique (Utilisation de fusils d’origine US et anglais)

    Source : American Military Shoulder Arms Vol. III par G. D. Moller

    L’appellation de « Mississippi » de ce fusil remonte à la guerre mexicaine de 1846-48 qui vit la naissance de l’État du Texas, lorsque le 1st Regiment of Mississippi Volunteers (commandé par le colonel Jefferson Davis, futur dirigeant des États Confédérés) se distingua lors des batailles de Monterrey et de Buena Vista. Pour honorer les vétérans de ces combats, le Gouverneur de l’État du Mississippi et le Secrétaire de la Guerre autorisèrent les soldats à conserver leur arme (moyennant retenue sur leur solde…).

    Dimensions et présentation du fusil :
    Calibre : .54 (13,7 mm)
    Poids : 9 1/2 lbs (4,7 kg)
    Longueur : 48 3/4“ (1,24 m)
    Canon rond présentant deux pans au tonnerre, bronzé brun, long de 33“ (83,8 cm).
    Rayures : 7 au pas de .66“ (1,67 m)
    Culasse vissant sur le canon et portant la masselotte de cheminée.
    Cran de mire en V profond, monté à queue d’aronde, guidon à lame.
    Baguette de chargement en fer, bout fileté, se terminant par un insert conique en laiton.
    Platine classique, à percussion, jaspée ou polie blanc retenue par deux vis traversantes sur contreplatine en laiton.
    Grand ressort en avant, à chaînette. Noix à deux crans retenue par une bride de noix à deux piliers.
    L’avant de la platine est marqué de l’aigle américaine surmontant les initiales US. 
    La mention Harpers Ferry et la date de fabrication est frappée sur l’arrière de la platine.
    Monture d’une pièce en noyer huilé, garnitures à la française retenues par ressorts à ergots.
    Plaque de couche, sous garde, pontet, contre-platine, capucine et embouchoir en laiton.
    A noter la présence d’une patch-box en laiton sur la crosse prévue pour une cheminée de rechange, un tire-balles, un tire-chiffon et plusieurs curettes.

    Hormis le bronzage du canon et la patch-box, l’apparence générale de l’arme et la forme de la crosse rappellent immédiatement les fusils réglementaires français type 1777/1822. Les productions US ultérieures seront davantage inspirées par les armes anglaises, notamment les fusils Enfield Pattern 1853.

    Je reviens à mon fusil.

    On est immédiatement frappé par sa présence. 
    Tout en sobriété, massif, compact, lourd, sombre ... inquiétant comme une arme de guerre.

    C'est plutôt une arme d'homme, pour paraphraser L. Ventura dans "les Tontons Flingueurs".

    Portrait vu de droite et de gauche. L'arme est vraiment compacte.
    Une finition irréprochable, des ajustages serrés, aucun jeu nulle part. La grande classe. :
    The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle
    The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle

    La platine, son marquage à l'aigle Américaine surmontant les initiales US. La platine supporte la masselotte et participe de la solidité de l'arme :
    The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle
    The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle

    Le chien, la masselotte et le cran de mire :The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle

    La crosse et sa patch-box en laiton renfermant un tire-balle, un tire-chiffon, une cheminée de rechange et plusieurs curettes en bambou.
    La forme générale de la crosse ainsi que sa pente sont directement héritées des armes réglementaires françaises.
    The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle

    Voici l'ogive minié Lyman de 340 grs que je tire sur une charge de Suisse n°2 de 40 grs.
    À ce propos, il faut noter que, dans un canon rayé et à chargement par la bouche, le tir de projectiles expansifs creux - les miniés - permet un forcement optimal dans les rayures et un tir très sobre en poudre. Comparé aux longues balles à compression calibre .455 avec lesquelles on est obligé de charger 1/3 de plus en poudre ... 

    The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle

    Un tir ou l'on distingue bien la percussion de l'amorce et la flamme de départ du coup.
    La position est celle en vigueur aux ADF :
    The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle

    Je lui ai préparé un coffre, m'inspirant des coffrets pour revolvers avec leurs cloisons :
    The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle
    The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle

    Il en faut des accessoires pour tirer avec ce fusil :
    - Une baguette de chargement / nettoyage en fibre ou en alu avec un jeu de brosses en laiton, un pousse-balle, un tire-balle, un tire-chiffons, le tout se vissant sur la baguette.
    - Une bombe d'huile et un flacon de dissolvant spécial poudre noire.
    - Des patchs de nettoyage et des chiffons propres.
    - Une clé à cheminée, des cheminées de rechange avec un foret pour les déboucher.
    - Une pince universelle, deux tournevis plats, un canif, une vieille brosse à dents.
    - Une boîte pour ranger les ogives, une boîte pour ranger les charges de poudre, une boîte d'amorces à ailettes.
    - Un carnet pour noter les éléments de chaque tir. Et, s'il reste de la place, une petite paire de jumelles.
    The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle
    The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle

    Enfin, voici deux cartons. Je précise que ces tirs étaient à l'entraînement ...
    Le Mississippi est une arme redoutable en terme de précision, rattrapant les erreurs d'un tireur assez moyen. 
    Un tir debout à bas francs à 50 mètres :The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle

    Un tir couché, cette fois à 100 mètres, discipline Minié/Poncharra :
    The Model 1841 Percussion Rifle ... the Mississippi Rifle
     

    En conclusion, le fusil Mississippi est une arme incroyable. 

    D'aspect sombre et massif, il est plutôt lourd. 
    Les éléments de visée sont simplifiés au maximum. 

    Le canon est une merveille avec ses 7 rayures et ses parois super étoffées.
    Le fusil monte vite à l'épaule, il est bien stable, et sa prise de visée très aisée. Il relève très peu. La détente est douce. 
    Le chargement est très aisé, la baguette descend gentiment la balle et on ne constate l'encrassement que vers le 10e coup, et encore, ça descend quand même très bien.

    Moins sexy qu'un Zouave, à mon sens il est bien plus ergonomique avec son cran de mire profond au raz du canon. Bien plus stable avec son poids. Bien plus précis aussi, 7 rayures obligent.

    Coaché par un excellent tireur ADF, je lui dois de ne pas avoir tout envoyé promener, car la discipline minié est terrible. En particulier dans ces moments de découragement ou "rien ne rentre" et ou il faut encore analyser le tir et continuer à s'entraîner.

    Toujours j'ai pu me raccrocher aux sensations du tir. C'est vraiment quelque chose d'unique, un énorme plaisir. Si ce plaisir n'est pas là ...

    Avec ce fusil, j’ai tout appris en matière de tir aux armes anciennes.
    De la prise de visée au lâcher, de la position du corps à la respiration, de la fonte des balles au tri, du choix de la poudre au poids de la charge, en passant par l'utilisation d'un four, le choix du plomb, le fluxage, le graissage, le recalibrage, le nettoyage ...

    Comme tous les tireurs aux armes anciennes sur minié, il m'a fallu des dizaines et des dizaines de tirs avant de composer la formule charge-balle idéale pour mon fusil. Mais aussi pour ajuster les éléments de visée. Un bon moment pour comprendre l'arme, pour ressentir son comportement.

    J'ai essayé plusieurs types de balles en commençant par une grosse DP bien lourde (560 grs de mémoire), puis une balle ronde ... pour finir par adopter cette minié Lyman très légère. Laquelle n'est malheureusement plus sur catalogue depuis longtemps.

    Tout comme ce fusil devenu collector.
    Euroarms a disparu. 
    Depuis, le Mississippi est produit chez Pedersoli, mais à des prix ... stratosphériques. Et la finition n'est plus ce qu'elle était ... 

    Si jamais vous dénichez un Mississippi Euroarms au détour d'une bourse : n'hésitez pas et achetez le. Après ce ne sera que du plaisir.

    A bientôt


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  • Voici une très belle pièce qui a récemment rejoint ma petite collection :

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider

    Ce très beau fusil est un revenant de "l'année terrible" et des combats désespérés contre l'invasion prussienne. Comme vous allez le voir, c'est un témoin.

    Ce fusil, qui s'appelle un two bands short rifle Enfield Snider, provient de la collection d'un bon copain. 
    (On ne le dit peut-être pas suffisamment, mais entre collectionneurs, les échanges sont assez courants)

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider

    Il a été fabriqué neuf par la Birmingham Small Arms Company (B.S.A. Co) en 1869.

    Neuf, car au départ les Snider sont la transformation au chargement culasse des Rifle Pattern 1853 et Short Rifle Pattern 1860.

    Il est de fabrication civile pour l’énorme marché existant alors dans l’Empire Britannique. Aux marquages près, le fusil est totalement identique aux armes réglementaires. Il est d'ailleurs poinçonné WD pour War Department = ministère de la guerre ...

    Ce fusil est un témoin de notre Histoire, celle qui s'écrit avec un grand H, car il y a été mêlé de très près :

    « Le 19 juillet 1870, la guerre Franco-Prussienne éclate. 

    Le 1er Septembre 1870, à la bataille de Sedan l’Empereur Napoléon III est capturé : chute du Second Empire. 

    Le 4 Septembre à Paris, un Gouvernement Républicain dit "de La Défense Nationale" se met en place et décide de continuer la guerre et de chasser les Prussiens. On sait comment tout cela allait finir.

    La France manquait d’armes pour équiper ses bataillons de Mobiles de "la levée en masse" et il fut décidé d’acheter massivement tout ce qui était disponible à l’étranger.

    Parmi les très bonnes armes importées, on acheta en Angleterre plusieurs milliers de fusils Enfield Snider dans les versions longues et courtes. »


    Mon fusil est l’une de ces armes qui furent importées en urgence. Il fut certainement débarqué au port du Havre car on l'a d'abord marqué à la crosse d’un tampon circulaire profondément appuyé : 

    VILLE DU HAVRE

    entourant un M majuscule, puis, dans un second temps, du matricule 450 d'enregistrement en corps de troupe :

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider

    L'Armée française, qui ne supportait pas les aciers ternes, noirs et bronzées, l'a fait entièrement astiquer poli brillant, exactement comme un fusil Chassepot.

    Il ne reste que des traces de ce bronzage noir sur la queue de culasse et la hausse. Le dessous du canon est resté bien noir …

      *********************

    Examinons ce Snider de plus près.

    Voici un schéma du mécanisme d'un fusil Snider :
    (Source : https://histoires-du-canada.blog4ever.com/)

    The Two Bands Short Rifle Enfield Snider ... de la Défense Nationale

    La platine avec le marquage du fabricant B.S.A.C.o et son millésime de fabrication :

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider

    Voici l'intérieur de la platine. Comme on le voit, elle est parfaitement classique : grand ressort en avant, ressort de détente en arrière, bride de noix à deux piliers. Seul élément "moderne" la chainette qui relie le grand ressort à la noix :

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider

    Le système Snider, d'origine américaine, se compose d'une culasse à clapet dont l'axe est parallèle au canon. 

    La culasse comporte une tige rappelée par un ressort, le percuteur. Ce percuteur est actionné par le choc du chien agissant à la manière d'un marteau. Une encoche de la chambre laisse le passage à un extracteur actionné en reculant le clapet de culasse.

    Voici la culasse Snider fermée et chien à l'abattu. Il s'agit d'une culasse du premier type :

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider

    La culasse ouverte.
    Sur la queue de culasse, on remarque qu'un restant du bronzage d'origine a échappé aux astiqueurs de 1871.
    A noter le numéro 926 poinçonné sous le clapet de culasse. Ce matricule a été apposé par l'ouvrier tourneur-fraiseur qui a fabriqué l'ensemble culasse - boîte de culasse :

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider 

    Les marques de la B.S.A.Co et le patent de Snider, dont le S enfilé d'une flèche:

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider

    Le canon, la boite de culasse et la culasse vus de dessous. Le bronzage d'origine est bien présent. On remarque le poinçon WD pour War Department et à nouveau le numéro 926 frappé sous le guide et sous l'extracteur :

    The Two Bands Short Rifle Enfield Snider ... de la Défense Nationale

    Les différents éléments de la culasse mobile du Snider :

    The Two Bands Short Rifle Enfield Snider ... de la Défense Nationale

    Les poinçons de réception du canon, poinçon d'épreuve Anglais et poinçon d'attestation du calibre en balles à la livre, ici : 25.

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider 

    La hausse, quasiment la même que sur les Chassepots :

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider 

    Le canon est au calibre de .577 (millièmes d'inches)
    Les 5 rayures du canon sont au pas de 1,16 mètre. Ici, on voit qu'il n'y a ni corrosion ni usure :

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider 

    La contre-platine n'existe pas, les vis de fixation sont simplement retenues par deux fortes rondelles à oreilles :

    The Two Bands Short Rifle Enfield Snider ... de la Défense Nationale

    Les garnitures, ici l'embouchoir et la grenadière. Notons que le canal de baguette porte encore la marque de l'outil :

    The Two Bands Short Rifle Enfield Snider ... de la Défense Nationale

    La capucine. Contrairement aux armes françaises qui utilisent des ressorts, les garnitures anglaises ne sont retenues que par leur serrage sur la monture :

    The Two Bands Short Rifle Enfield Snider ... de la Défense Nationale

    L'ensemble sous garde - pontet. L'anneau de bretelle est vissé dans la crosse et traverse la sous garde :

    The Two Bands Short Rifle Enfield Snider ... de la Défense Nationale

    La plaque e couche retenue par trois fortes vis à bois :

    The Two Bands Short Rifle Enfield Snider ... de la Défense Nationale

    Le fusil a été livré à la France accompagné de sa bayonnette :

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider

    La bayonnette fixée au canon :

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider

    Mon Two Bands Short Rifle Enfield Snider

    Pour nos hommes, cette bayonnette n'était pas une nouveauté puisqu'elle possède les mêmes dimensions que la bayonnette de nos Chassepots. On reste dans le même genre : forme, fixation et verrouillage sont identiques, hormis le fourreau en cuir à garnitures en fer et la poignée en cuir noir comprimé.

     

    *********************

     

    Dans son ensemble, le fusil est resté dans son état de 1871.

    Pour une raison inconnue, car son matricule 450 atteste de son enregistrement en corps de troupe, il aurait dû être distribué à un bataillon de l'Armée du Nord. Mais il n’a sans doute jamais été au combat : l'arme est restée neuve.

    Il n'y a aucun jeu à la culasse, ni à la platine, ni à la hausse. Le canon est miroir. Seuls la plaque de couche et la monture ont reçus quelques chocs.

    J'ai dû remplacer le percuteur qui avait été anciennement cassé (ou raccourci dans un but de "sécurité"). J'ai pu me procurer un percuteur d'origine. Et aussi une culasse complète, avec ressorts, axes, etc ...

    Il me reste à lui trouver des étuis et les outils de rechargement, et aussi un moule pour une balle adaptée.

    Car, de même que toutes les armes de ma collection, il est destiné à tonner et, s'il le mérite, à participer aux concours et challenges du circuit des armes anciennes.

    A bientôt

     


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